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de l’isthme de Panama, dont la neutralité est la base et la garantie. Enfin un sénateur du Tennessée, M. Bell, dans une allocution très chaleureuse, a mis le doigt sur le danger réel de cette question en signalant le républicanisme européen comme hostile au républicanisme américain. « Sans doute, a-t-il dit, nous devons nous défier du despotisme et nous tenir en garde contre lui, mais il faut qu’on sache aussi que les doctrines de ces républicains qui ont perdu la liberté en Europe ne sont pas moins funestes pour nous que le despotisme, et que leur esprit est contraire à nos institutions. »

Si le congrès s’occupe lentement des affaires du pays, l’activité individuelle, en revanche, marche toujours. Tout récemment, M. Seward présentait une pétition demandant au congrès l’établissement d’une ligne de steamers entre Brooklyn, dans l’état de New-York, et Gluckstadt, sur l’Elbe, près de Hambourg. L’idée d’élever à New-York un crystal palace, à l’imitation du palais de Londres, s’est emparée de la tête des Yankees, et déjà les souscriptions commencent à arriver. La fièvre des chemins de fer ne se ralentit pas, et il est question d’unir la Caroline du sud à la Georgie par de nouvelles lignes de fer. De pareils projets sont mis en avant dans presque tous les états de l’Union, votés par les législatures et accomplis en un clin d’œil. Au milieu des effervescences politiques et des menées des partis, le progrès matériel ne s’arrête pas un instant.

CH. DE MAZADE.

LA GALERIE DU MARÉCHAL SOULT.

Dans peu de jours, la galerie du maréchal Soult aura cessé d’exister. Cette réunion de morceaux d’élite, qui avait toute l’importance d’un musée, et que, grace à la libéralité de son illustre possesseur, la France s’était accoutumée à considérer comme une collection nationale, va se trouver disséminée. Ne convient-il pas de jeter un dernier regard sur cette suite de chefs-d’œuvre qui résumait si parfaitement l’histoire de l’art espagnol à ses plus belles époques ?

Jamais collection transportée hors du sol national n’a caractérisé au même degré une école étrangère, et n’a permis de mieux apprécier le talent varié des grands artistes qui l’ont illustrée. Le génie de l’Espagne est là tout entier avec son ardent et sombre ascétisme, ses croyances passionnées, ses aspirations extatiques et ses sublimes et immatérielles glorifications. Il suffit d’un coup d’œil jeté sur ces compositions de styles si distincts pour comprendre que le premier mobile de leurs auteurs était la foi. Combien parmi eux ont peint sous la robe du moine ! combien, à l’exemple de Luis de Vargas et de Vincent Joanès, n’ont pris le pinceau qu’après s’être préparés au travail par le jeûne et la communion ! La religion, polir eux, était le principe et le but ; pour eux, peindre, c’était glorifier le Créateur, c’était prier.

En Espagne comme en Italie, l’art moderne s’est développé à l’ombre du sanctuaire. Seulement, si chez les Italiens la tradition remonte aux peintures des catacombes et aux mosaïques des premières basiliques chrétiennes, chez les Espagnols, par suite de l’invasion sarrasine, elle se trouve interrompue à partir du VIIe siècle. Refoulés dans les montagnes des Asturies et dans les provinces