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marquise de Bréauté, Marie de Jésus ; Mlle Lancry de Bains, Marie-Madeleine ; et Mlle de Bellefonds, la mère Agnès de Jésus-Maria. Mlle de Bourbon a pu les connaître toutes les quatre, et quelques-unes ont été ses amies.

Mlle de Fontaines est la première grande prieure française. Elle était d’une excellente famille de Touraine. Son père avait été ambassadeur en Flandre, et sa mère était sœur de la chancelière de Sillery. C’est le cardinal de Bérulle qui, la rencontrant à Tours et la voyant, toute jeune, déjà remplie de pensées célestes, lui désigna les Carmélites de la rue Saint-Jacques comme le chemin de la perfection à laquelle elle aspirait. Elle n’y marcha point, elle y courut, comme dit d’elle Mme Acarie. Et pourtant elle aimait si tendrement sa famille qu’elle éprouva une douleur poignante en la quittant, et elle-même disait plus tard que le carrosse qui la mena aux Carmélites lui parut semblable à la charrette qui conduit les criminels au supplice. Touchées de son exemple, deux de ses sœurs la suivirent aux Carmélites. Elle y entra à vingt-six ans. Elle eut quelque temps sous les yeux les mères espagnoles, et elle en retint cette sainte ardeur qui crée et vivifie, et seule peut surmonter les commencemens difficiles de tout grand établissement. Elle fut constamment fidèle à la devise de sainte Thérèse souffrir ou mourir. C’est la sainte Thérèse de France. La religieuse qui lui succéda a peint ainsi les effets du gouvernement de la mère Madeleine de Saint-Joseph : « Quand elle fut prieure, je puis dire avec vérité que le monastère ressemblait à un paradis, tant on voyait de ferveur et de désir de perfection dans les cœurs : c’était à qui serait la plus humble, la plus pénitente, la plus mortifiée, la plus dégagée, la plus recueillie, la plus solitaire, la plus charitable, bref, à qui serait la plus conforme à notre Seigneur Jésus-Christ, et tout cela dans une paix, dans une innocence, dans une béatitude et dans une élévation à Dieu qui ne se peuvent exprimer. Cette servante de Dieu était parmi nous comme un flambeau qui nous éclairait, comme un feu qui nous échauffait, et comme une règle vivante sur l’exemple de laquelle nous pouvions apprendre à devenir saintes. » On a conservé d’elle des mots admirables. Nous n’en citerons qu’un seul : « Oui, disait-elle à ses filles, qui pour la plupart étaient de grande qualité, oui, nous sommes de très bonne maison ; nous sommes filles de roi, sœurs de roi, épouses de roi, car nous sommes filles du Père éternel, sœurs de Jésus-Christ, épouses du Saint-Esprit. Voilà notre maison, nous n’en avons plus d’autres. » Elle avait un de ces grands cœurs qui font les héros en tout genre, et qui sont la première source des miracles. Elle en fit donc comme sainte Thérèse. Comme elle, elle eut ses extases, ses visions. C’est le cœur qui échauffait en elle