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chaque année dans la circulation. La Californie a réalisé, dit-on, une somme de 344 millions dans sa campagne de 1851. Les résultats obtenus en Australie dépassent les espérances. La récolte serait phénoménale, si l’exploitation n’était pas contrariée en certains lieux par le manque d’eau. Une révolution fondamentale dans le commerce du monde tient peut-être à la découverte d’une source, à la perforation d’un puits artésien ! En attendant, les derniers avis nous apprennent que l’or, qui, depuis quarante ans, ne s’est jamais réglé à Londres au-dessous du prix de 96 francs pour l’once anglaise, est offert dès à présent, sur le marché de Sydney, à raison de 70 francs. Quelles latitudes inconnues ouvertes devant ceux qui spéculent sur le monnayage des métaux !

Il est évident que de pareils secousses seront prochainement ressenties sur toutes les places commerçantes du monde. Qu’arrivera-t-il chez nous ? Démonétisera-t-on l’un des deux métaux précieux ? S’obstinera-t-on à régler par ordonnance leur valeur relative ? C’est là une des plus redoutables difficultés que l’avenir nous réserve, et nous ne voulons pas l’effleurer incidemment. On peut voir par quels liens cette grosse affaire se rattache à l’humble sujet qui nous occupe. Quelle que soit la résolution prise, il est certain que l’argent va devenir plus rare relativement, et que sa puissance d’achat augmentera en proportion de sa rareté. Le monnayage de l’argent, qui, depuis 1795, s’est élevé en moyenne à 80 millions par an, est tombé à 57 millions en 1851. Cet affaiblissement de la fabrication coïncide à coup sûr avec une exportation notable des pièces antérieurement frappées. Déjà on est presque obligé de solliciter comme une faveur d’être payé en pièces de 5 fr. Il est incontestable que plus l’argent se raréfiera dans la circulation, et plus le cuivre monnayé aura d’importance, et qu’on sentira de plus en plus l’inconvénient d’un trop grand écart entre la valeur intrinsèque de l’argent et celle du bronze. Le savant Mongez écrivait en 1806, en tête du traité presque officiel de Bonneville : « Si d’ici à quelque temps, la valeur nominale de l’argent augmente sensiblement, les monnaies de cuivre seront trop avilies ; il faudra avoir recours aux pièces d’argent encastrées ou percées par le milieu. » Nous espérons que cette parole ne sera pas prophétique. Toutefois on ne remarquera pas sans quelque inquiétude qu’on se prépare à réduire de moitié le poids du cuivre au moment même où l’argent va recevoir une plus-value bien supérieure à celle qu’il était possible de supposer il y a quarante ans.

Nous avons invoqué tour à tour la théorie et l’expérience. Nous croyons avoir démontré que le cuivre monnayé est une marchandise comme les monnaies d’or et d’argent, mais une marchandise qu’on peut surévaluer sans inconvénient, tant qu’on ne dépasse pas le point