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même quantité aurait cours pour 10 francs. Au lieu d’une surévaluation de 53 pour 100 que présentent les vieux sous, le système nouveau aura pour effet de porter la différence à 177 pour 100.

De ce que les sous ont un cours nécessairement supérieur à leur prix comme marchandise, faut-il donc conclure qu’on peut élargir indéfiniment la disproportion ? On l’a proclamé en invoquant le témoignage de Say, qui appelle les pièces de cuivre « des espèces de billets de confiance ; » mais ce n’est là qu’une simple métaphore que Say explique et corrige aussitôt en ajoutant : « Le gouvernement qui met en circulation ces billets de confiance devrait toujours les échanger à bureau ouvert contre de l’argent, du moment qu’on lui en rapporterait un nombre suffisant pour égaler une pièce d’argent. C’est le seul moyen de s’assurer qu’il n’en reste pas dans le public au-delà de ce qu’en réclament les menus échanges et les appoints. » Si le billet de cuivre était en effet remboursable à bureau ouvert comme le papier de banque, ce serait une monnaie fiduciaire dans toute la force du terme, et peu importerait alors que la pièce fût plus ou moins lourde. Si ce remboursement ne doit pas avoir lieu, il faut se garder de réduire, par l’affaiblissement du poids, la garantie déjà insuffisante que le billet de cuivre porte en lui-même.

Nous sommes de ceux qui tiennent grand compte des faits, et notre conviction serait fort ébranlée, s’il était vrai, comme on l’a affirmé dans l’exposé des motifs, que la plupart des peuples de l’Europe eussent des monnaies d’appoint plus légères que les nôtres. Malheureusement il est fort à craindre que cette assertion ne soit le résultat d’une erreur matérielle.

Lorsqu’après une longue résistance, M. Humann se décida, en 1842, à proposer la mesure que nous étudions, il annexa à son exposé des motifs un tableau servant à comparer la valeur intrinsèque et la valeur fictive des pièces de cuivre dans les autres pays. Il paraissait ressortir de ce document que la France, en rognant sa menue monnaie, tendait à se mettre en harmonie avec les autres nations commerçantes. Le projet de M. Humann n’ayant pas été discuté, il fut reproduit l’année suivante par M. Lacave-Laplagne, mais avec un autre exposé des motifs. Or, dans la discussion engagée sur le rapport favorable de M. Pouillet, un orateur qui avait approfondi la question, M. Bureau de Pusy, fit remarquer en termes assez vifs que les indications fournies par le gouvernement, quant à la valeur des pièces étrangères, étaient le plus souvent erronées. Pour plusieurs pays, on avait constaté seulement les poids, sans tenir compte de la matière qui était rehaussée par des alliages, de sorte qu’une pièce plus petite que les nôtres avait cependant une valeur commerciale supérieure. Cette inadvertance avait eu lieu notamment à l’égard de l’Autriche et de la Prusse. Ce dernier