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pour la presse péninsulaire. Ce décret, au surplus, n’est qu’un symptôme d’un mouvement plus général. Il est évident aujourd’hui que le gouvernement espagnol marche à la dissolution des chambres, qui ne sont jusqu’ici que suspendues, pour réunir des cortès nouvelles, appelées à réformer la constitution elle-même. Une des modifications les plus probables, c’est la transformation du sénat en un grand corps héréditaire, et cela explique les discussions qui se sont produites dans ces derniers temps sur le rétablissement des majorats. C’est une question qui semble aujourd’hui décidée. Il y a en tout ceci une chose singulière à observer, c’est l’impuissance absolue des partis en présence de ces hardies résolutions du ministère espagnol et de ce travail universel de réaction. Le cabinet de Madrid atteindra-t-il son but ? Rien jusqu’ici ne paraît devoir lui opposer de sérieux obstacles. Il ne saurait se dissimuler cependant la gravité de la tâche qu’il assume au milieu du développement des intérêts de la Péninsule. Au sein de ces préoccupations a disparu récemment un incident intime de cour qui prouve la confiance absolue dont jouit le cabinet de M. Bravo-Murillo au palais de Madrid. On se souvient peut-être des crises ministérielles produites, il y a quelques années, par l’intervention dans les affaires publiques du confesseur du roi, le père Fulgencio, et d’une religieuse, sœur Patrocinio. Il y eut à cette époque d’assez curieux imbroglios qui étaient tout près de se renouveler aujourd’hui. Le père Fulgencio a été éloigné ; sœur Patrocinio est partie sous bonne escorte pour Rome, et la maison tout entière du roi a été modifiée dans son personnel, non sans quelques commentaires de la malignité madrilègne, on le pense. Ce n’est point d’aujourd’hui qu’il y a dans la politique espagnole ce côté mystérieux et romanesque qui sert d’appât aux imaginations curieuses.

En Allemagne, la question commerciale semble devoir, pour quelque temps, dominer toutes les autres. C’est du moins sous ce manteau des intérêts matériels que se cachent aujourd’hui les grands intérêts politiques qui se disputent la prépondérance au sein de la confédération. Durant la longue session du congrès douanier de Vienne, dont les résultats définitifs ne sont point encore bien connus, la Prusse a vu le Steuerverein hanovrien se fondre définitivement dans le Zollverein par l’accession d’Oldenbourg et de Schaumbourg-Lippe au traité de fusion du 7 septembre 1851. Ce succès, que relèvent les tâtonnemens du congrès de Vienne, a inspiré au cabinet prussien une confiance qui éclate suffisamment dans la circulaire adressée par lui à ses alliés pour la convocation de la conférence commerciale appelée à se prononcer sur le renouvellement du Zollverein. La circulaire est accompagnée d’une instruction où respirent les mêmes sentimens, encore mieux précisés peut-être. Cette sorte de déclaration de principes est adressée au ministre prussien à Vienne avec l’ordre d’en donner connaissance au cabinet impérial à titre d’éclaircissement sur les intentions de la Prusse. M. de Manteuffel, qui aussi bien a une revanche à prendre depuis les conférences d’Olmülz, fait savoir à l’Autriche qu’il ne s’agit ni de dissoudre le Zollverein prussien, ni de le remplacer par une création nouvelle, ni de réunir les plénipotentiaires des états allemands en une conférence libre qui ferait abstraction des principes actuellement établis. Sans doute, M. de Manteuffel le déclare, après la clôture des délibérations du congrès de Berlin l’union douanière reconstituée pourra s’entendre avec l’Autriche pour nouer des rapports commerciaux