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source dans le mont Abos, aujourd’hui Bing-Gueul ; jusqu’à sa jonction avec le Cyrus, non loin de la mer. L’inclinaison de l’immense plaine qu’il parcourt nous montre l’Arménie pour ainsi dire penchée presque tout entière vers la Médie, la Perse et les pays où fleurit la civilisation arienne, qui lui fut aussi commune, comme on peut l’inférer du témoignage des traditions zendes. Sur les bords de I’Araxe, elle confinait à l’Atropatène, cette terre sacrée des adorateurs du feu. C’est par ce voisinage immédiat que les doctrines de la Perse l’envahirent et s’implantèrent chez elle si profondément. C’est aussi dans cette partie de ses limites que se maintinrent encore quelque temps le paganisme et le culte de la poésie populaire, qui en était une émanation, lorsque les idées grecques, importées en Arménie par le christianisme, tendaient à effacer partout ailleurs le souvenir des primitives créations du génie oriental. C’est dans le bassin de l’Araxe que la nationalité arménienne eut son berceau et qu’elle atteignit son plus haut point de grandeur, lorsqu’elle recouvrait une indépendance momentanée. C’est là que s’élevèrent ses antiques métropoles, Armavir, Valarsabad, et la plus célèbre de toutes, Artaxate. — Après avoir retracé les grandes divisions du territoire de l’Arménie, nous allons maintenant, en puisant aux sources originales, noter les événemens dont il fut le théâtre, en tant qu’ils se rattachent à notre sujet.

Il nous reste pour les premiers temps de l’histoire arménienne un document d’une inappréciable valeur : c’est le travail d’un écrivain syrien, nommé Mar Iba Katina, qui vivait dans le milieu du IIe siècle avant notre ère, et qui était très versé dans la connaissance des lettres chaldéennes et grecques. Le cinquième des souverains parthes qui régnèrent sur la Perse, Arsace (Arschag), autrement appelé Mithridate (Mihrdat) Ier, après avoir enlevé aux Séleucides la plus grande partie de l’Orient, donna l’Arménie à son frère puîné Valarsace (Vagharschad). Celui-ci, voulant savoir quels princes avaient occupé avant lui le trône auquel il avait été appelé, députa Mar Iba Katina vers Arsace, en le priant d’ouvrir à ce savant ses archives royales, afin qu’il pût en extraire ce qui avait rapport à l’histoire ancienne de l’Arménie. Ces archives provenaient de Ninive, et parmi les pièces qu’elles contenaient se trouvaient, à ce qu’il parait, les chants historiques et populaires qu’y avaient fait rassembler les monarques assyriens, dont l’Arménie relevait, comme un des grands fiefs de leur empire. Parmi les volumes examinés par Mar Iba Katina, il y en avait un traduit du chaldéen en grec par ordre d’Alexandre-le-Grand, et qu’il mit principalement à contribution. Après avoir terminé son ouvrage, il revint l’apporter au roi Valarsace, qui le fit déposer dans son palais et garder avec soin, comme un des objets les plus précieux de son trésor. Une partie assez considérable de cette compilation nous a été conservée par