de Düsseldorf, il entra au lycée de la même ville, et, quelques années plus tard, en 1819, il commençait l’étude de la jurisprudence à l’université de Bonn. Après deux années de séjour dans cette ville, il passa à Goettingue, et de là à Berlin, où il s’adonna spécialement, sous la direction de Hegel, aux sciences philosophiques. À peine âgé de vingt-deux ans, il était lié avec tout ce que Berlin contenait d’hommes éminens dans les travaux de l’esprit. Hegel, le jurisconsulte Édouard Gans, l’habile écrivain Varnhagen d’Ense et sa femme Rahel, si célèbre par son action sur la société allemande, le grand philologue Franz Bopp, le poète Chamisso, étaient les patrons de ce jeune homme qui s’annonçait déjà avec une indépendance si résolue et une gaieté si fantasque. C’est aussi à Berlin que M. Heine rencontra un écrivain non moins connu en Allemagne par ses drames bizarres que par l’excentricité de sa vie : nous voulons parler de Grabbe. M. Heine vécut dans l’intimité du fantasque et malheureux poète, dont la verve aventureuse contrastait singulièrement avec le flegme hautain qui fait le fonds du caractère berlinois. Louis Boerne, le spirituel publiciste, a été, comme M. Heine, mêlé à la société de Berlin, et il a raconté dans des fragmens pleins de verve l’influence qu’il en reçut. Ce que Louis Boerne avait vu surtout au sein de ce monde d’élite, c’était le mouvement de l’intelligence, les fêtes et les victoires de l’esprit ; quant à la philosophie elle-même, il y était médiocrement sympathique. Chose singulière ! de ces deux hommes si diversement remarquables, le plus grave et le plus ferme en ses principes a toujours eu une sorte d’aversion pour ces systèmes de métaphysique si chers à l’imagination allemande ; celui-là, au contraire, à qui on a le plus reproché la frivolité de ses caprices s’était plongé éperdûment dans les problèmes abstrus de la science des idées. Les vestiges de ces études se retrouvent sans cesse dans ses joyeux imbroglios et les marquent d’une profonde empreinte. C’est ainsi que l’ironie d’Henri Heine, qu’on la blâme ou qu’on l’excuse, est bien autrement hardie et compréhensive que celle de Louis Boerne ; c’est ainsi qu’il se joue du monde entier, et que l’effrayant panthéisme de son maître a entretenu sa verve intarissable. Ne craignez pas que cette imagination s’assombrisse au milieu des formules : tandis que le puissant Hegel introduisait dans ses arcanes ce rusé compagnon, l’artiste n’oubliait pas son œuvre, et déjà la poésie était sa meilleure croyance. L’élève du philosophe de Berlin venait de publier ses premières strophes, celles qui, sous le nom de Jeunes Souffrances (Junge Leiden), forment la gracieuse ouverture du Livre des Chants. Deux ans plus tard, en 1823, il donnait un autre recueil contenant deux drames produits alors sur la scène et assez vertement sifflés : Almanzor et Ratcliff. Un gracieux poème lyrique, devenu aussi l’une des parties les plis remarquables du Livre des Chants, était inséré,
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