Goths, Alains, Gépides, Hérules, Ruges, Scyres, Turcilinges, Sarmates, Suèves, Quades, Marcomans, se heurtant, s’étreignant, se détruisant les uns les autres avec une rage féroce. Jornandès les compare aux membres d’un corps dont on a enlevé la tête, et qui, n’avant plus de direction commune, se livrent une guerre insensée. Une bataille décisive donna la victoire aux Gépides : trente mille Huns et vassaux fidèles aux Huns jonchèrent la place ; Ellakh y perdit la vie après avoir fait des prodiges de courage.
Tous ces peuples alors se dispersèrent : Denghizikh, avec le plus grand nombre des enfans d’Attila, gagna les bords du Palus-Méotide et du Dniester, où il continua quelque temps l’empire hunnique dans ses régions orientales. Hernakh, suivi de quatre de ses frères, pénétra dans les provinces romaines de la Dacie Ripuaire et de la petite Scythie, s’y soumit à l’empereur d’Orient, et reçut des terres où se cantonnèrent, outre les Huns, des Alains, des Scyres et d’autres tribus de races diverses qui s’attachèrent à sa fortune. Ardaric établit ses Gépides sur les bords de la Théiss et du Danube, au centre des états d’Attila et dans le lieu où il résidait. Les Huns dépossédés durent fuir à leur tour : il en resta pourtant quelques débris que protégèrent les hautes vallées des Carpathes. On trouve encore aujourd’hui, dans un canton de la Transylvanie, un petit peuple qui ne se confond avec aucun autre, et prétend descendre de ces antiques restes des Huns d’Attila, le petit peuple des Sekel. L’opinion de sa descendance hunnique est ancienne en Hongrie ; elle avait déjà cours au XIIIe siècle, et en effet c’est vers ce pays que durent se retrancher ceux des Huns qui, refusant la protection romaine, cherchèrent pourtant un refuge contre les attaques des Germains. Quant à ceux-ci, ils restèrent pour la plupart dans la Pannonie et l’Illyrie, qu’ils se divisèrent par lambeaux. Les trois Amales, rois des Ostrogoths, occupèrent la Pannonie : Valamir dans sa partie orientale, Théodemir aux environs du lac Pelsod, aujourd’hui Neusiedel, sur les frontières de l’Autriche, et Vidémir dans la région intermédiaire. Ils y vivaient redoutés, caressés et grassement payés par l’empire, dont ils se proclamaient les hôtes et les fédérés ; mais de temps en temps, impatiens du repos, ils tiraient au sort pour savoir lequel d’entre eux saisirait l’épée, et irait piller soit l’Orient soit l’Occident. Les autres Barbares faisaient le même métier avec plus de turbulence encore. Les Ruges, les Scyres, les Turcilinges, pénétrèrent jusqu’au versant méridional des Alpes, et furent admis par troupes nombreuses en Italie. Ils y reçurent des armes et des drapeaux, et on les qualifia d’armée romaine ; ce fut même bientôt la seule force organisée de l’empire d’Occident. Ainsi la Romanie disparaissait pied à pied sous des conquêtes partielles et successives qui l’envahissaient par une marche sûre et irrésistible, comme la marée montante envahit la plage.