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seul abri qui pût la protéger contre les ambitions qu’elle avait éveillées par contre-coup en Autriche. Ayant donc renoncé à conquérir l’Allemagne malgré le droit écrit, le roi de Prusse réclame la souveraineté de Neufchâtel au nom de ce droit. Les traités de Vienne ne laissent point de doute. Du moment où la diplomatie en reconnaît l’autorité, le roi de Prusse reste légalement prince de Neufchâtel. Aussi la signification de l’acte diplomatique signé à Londres est-elle moins, aux yeux des grandes puissances, dans la réserve faite par ce protocole en faveur de la couronne de Prusse que dans l’adhésion qu’il implique, de la part des signataires, à l’arrangement territorial de l’Europe consacré par les traités de 1815.

Ces traités sont en effet, pour l’Allemagne, un sujet d’incessantes préoccupations. Voyez l’Autriche et la Prusse : quels efforts n’ont-elles point faits, l’une après L’autre, depuis 14848 jusqu’à l’heure présente, pour changer l’organisation territoriale de l’Allemagne, organisation qui repose aussi sur les traités de Vienne, et qui ne peut être modifiée sans leur porter atteinte ! Ces ambitions, en se cachant aujourd’hui sous des intérêts de commerce, n’en sont pas moins vives. Dans le congrès douanier de Berlin, la Prusse ne vient-elle pas de déclarer, avec une fermeté à laquelle on n’était plus accoutumé de sa part, qu’elle veut reconstituer l’Allemagne commerciale sans l’Autriche ? L’Autriche ne répond-elle pas, de son côté, qu’elle entrera dans la confédération commerciale malgré la Prusse ? Les seuls états de l’Allemagne qui aient un intérêt manifeste au maintien pur et simple de la division actuelle des territoires, ce sont les états secondaires. Sous la conduite du cabinet bavarois, ces états suivent une politique à eux propre au milieu des rivalités des deux grandes puissances germaniques. « Nous ne voulons être ni Prussiens ni Autrichiens, » disait en 1850 un prince allemand, le roi de Wurtemberg. Tel est encore le sentiment qui a inspiré aux états secondaires les résolutions arrêtées par eux à Darmstadt, résolutions qui viennent de mettre en péril l’existence du Zollverein, et qui tiennent aujourd’hui la confédération en suspens. Même sur le terrain commercial, ces états, instruits par les dangers qu’ils ont courus en 1848 et 1849, veulent à tout prix créer un contre-poids à la Prusse. Ils ne craignent pas de faire au cabinet de Vienne une situation trop grande, capable, à son tour, de les menacer dans leur indépendance. Ils pensent que l’action de l’Autriche, pays à peine allemand par sa population, n’aura jamais en Allemagne assez de points d’appui, ne sera jamais assez réellement nationale pour tenter avec succès quelques-uns de ces projets d’unité que la Prusse, au contraire, ne cessera jamais de rêver. Le jour où le danger viendrait de l’Autriche, on verrait d’ailleurs les états secondaires, sous l’empire des mêmes instincts de conservation personnelle, chercher de l’autre côté leur appui, car leur avenir dépend tout entier du maintien de ce système d’équilibre.

Jetons les yeux vers le Midi. La situation de l’Espagne est depuis quelques jours déchargée d’un grand poids. On ne parle plus, comme on l’a fait un moment, de changemens dans les institutions publiques. Ces rumeurs, qui, fondées ou non, ont tenu en éveil les curieux politiques, se sont complètement évanouies. La reine continue d’habiter Aranjuez ; le ministère ne semble point rencontrer de difficultés sérieuses et paraît d’ailleurs rester fort uni. Le général Armero, qui, on le sait, avait donné sa démission de ministre de la marine, vient d’être remplacé par le ministre de la guerre, qui aurait lui-même