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dans celui de Cimarosa. Il y a lieu de s’étonner qu’un homme qui a vécu long-temps en Russie et qui connaissait les chefs-d’œuvre d’Haydn et de Mozart, dont il admirait le génie, n’ait point essayé d’enrichir sa palette de quelques effets nouveaux qui auraient fortifié l’expression de ses admirables mélodies ; mais l’heure de conclure une sainte alliance entre l’école allemande et l’école italienne n’était point encore arrivée.

Cette différence des temps et des écoles, qui en expriment le caractère, se fait surtout remarquer entre le Barbier de Séville de Paisiello et celui de Rossini. Ces deux compositeurs illustres, traitant le même sujet à trente ans d’intervalle l’un de l’autre, ont prouvé combien le génie lui-même subit l’influence du milieu où il s’agite. Dans la partition de Paisiello, qui a fait le tour de l’Europe, et dont il n’a pas été facile d’effacer le souvenir, rien ne fait pressentir l’incomparable chef-d’œuvre qui viendra un jour illuminer la comédie de Baumarchais. De tous les musiciens de l’ancienne école napolitaine, Cimarosa seul aurait eu l’esprit et l’élégance nécessaires pour lutter sans trop de désavantage avec le génie de Rossini. Ce n’est pas à dire que le Barbier de Séville de Paisiello ne renferme des morceaux remarquables qu’on pourrait encore entendre avec plaisir, tels que le second air de Figaro, celui de Rosine, qui vient après, et qu’accompagne un dessin plein de tendresse des premiers violons et de la viole ; le trio fort comique de l’éternument entre La Jeunesse, L’Éveillé et Bartolo, trio que Rossini a imité en le surpassant dans l’Italiana in Algieri ; l’air de la calomnie, qui n’est pas non plus à dédaigner, et puis le quintette qui est placé dans la même situation que celui de Rossini, dont il est bien loin de reproduire la gaieté, le pittoresque et l’inépuisable malice. Avec des moyens différens, Paisiello a traité le Barbier de Séville comme Mozart, avec une puissance de coloris et d’invention incomparables, a traité le Mariage de Figaro : tous deux ont tempéré la verve de Beaumarchais en enveloppant son rire sardonique d’une mélodie suave qui en émousse l’âcreté. Il fallait une révolution pour enfanter le Barbier de Séville de Rossini, où éclatent l’entrain, l’hilarité et les passions d’un siècle de miracles.

Musicien aimable et touchant, d’une imagination douce et tempérée qui ne s’élève ni à l’accent pathétique et troublé de l’opéra moderne, ni à la gaieté lumineuse des Guglielmi et des Cimarosa, Paisiello réussit à peindre surtout le demi-sourire de la coquetterie féminine et les langueurs de l’amour dans une condition modeste de la vie. Si, dans le Barbier de Séville, dans le Roi Théodore et dans la Molinara, on trouve de nombreux morceaux où se révèle la partie comique de son talent, c’est dans la Nina qu’il a condensé tout ce que son cœur avait de tendresse et de mélodies suaves. Il disait à son élève Ferrari,