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point aujourd’hui l’avantage de proposer à son pays l’heureuse et très nationale destinée d’un second Portugal.

Nous n’avons point l’intention, on le comprend, d’envelopper la masse du peuple belge et moins encore son gouvernement dans la solidarité de telles antipathies contre la France. Nous savons plus de sagesse à la Belgique et surtout à son roi, qui en a donné d’éclatans exemples dans sa longue carrière. Ce sont seulement des tendances et des symptômes que nous notons dans une situation où le mieux serait de ne se point écarter du côté vrai et pratique des choses. Les situations difficiles ne se dénouent point avec des chimères pas plus qu’avec les conseils précipités de trop faciles et trop vives alarmes ; elles se dénouent avec du sang-froid, de la prudence, et par une juste appréciation des intérêts d’un pays. Il y a un axiome qui ne nous a pas toujours paru d’une parfaite exactitude : Si vis pacem, para bellum. Peut-être serait-il plus simplement vrai de dire que, quand on veut la paix, c’est la paix qu’on doit préparer, de même qu’il ne faudrait point affecter de placer la France dans un camp, la Belgique dans l’autre. Le meilleur moyen souvent d’éveiller l’idée d’entreprises qui n’auraient point eu de chances raisonnables, c’est de trop paraître avoir à se défendre, de se trop hâter de s’appuyer à plus fort que soi. Par cette voie sans doute, quand on est en pays neutre, les grands conflits peuvent naître. Les luttes sanglantes s’engagent au détriment de toutes les œuvres de la civilisation ; mais, après tout, qui court le plus de risques ? Et la Belgique ne sait-elle pas comment finissent par s’apaiser parfois entre grands états les querelles engagées sur les petits champs de bataille ?

Le gouvernement belge, nous n’en doutons pas, a assez de prévoyance pour peser toutes les considérations qui se rattachent à sa situation politique. S’il lui fallait un exemple, il en est un qui s’offre presque naturellement : c’est celui d’un petit pays qui touche une autre de nos frontières, et qui avait bien, lui aussi, à conjurer quelques-unes des difficultés contemporaines, — le Piémont. On ne saurait trop reconnaître le calme et le bon esprit de ce pays, le dernier venu parmi les états constitutionnels. Le mérite du cabinet de Turin, c’est d’avoir saisi la conduite à tenir dans les circonstances critiques où il se trouvait placé, et cette conduite, il a prétendu justement l’imposer à tous, à la presse en première ligne. La question de la presse, en effet, vient d’y être vidée par une majorité considérable dans le sens des propositions ministérielles. Les modifications dont la commission parlementaire avait pris l’initiative ont été écartées, et le projet du gouvernement est seul resté debout. Comme on le sait, ce projet transfère aux tribunaux ordinaires le jugement des délits d’injure commis par la presse contre les chefs des gouvernemens étrangers. La discussion d’une question de ce genre devait avoir nécessairement pour effet de mettre en présence les divers partis, les diverses opinions et les principaux représentans de ces opinions, depuis le président du conseil, M. d’Azeglio, jusqu’à M. Brofferio, depuis M. le comte Balbo jusqu’à M. Ratazzi, depuis M. Boncompagni jusqu’à M. Tecchio. Ce qu’il faut remarquer dans cette discussion, c’est un sentiment universel de modération, un besoin unanimement senti de rechercher le moins possible l’éclat inutile, l’éclat qui n’est qu’un danger pour le pays sans rien ajouter à sa grandeur, et moins encore à sa sécurité. M. d’Azeglio, qui, quoique malade, avait voulu figurer dans le débat et faire sentir l’autorité