Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/965

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cris de ces interprètes de l’enfer. Mais les Huns avaient une superstition particulière plus solennelle, et que les voyageurs européens trouvèrent encore en vigueur aux XIIIe et XIVe siècles à la cour des descendans de Tchinghiz-Khan : je veux parler de la divination au moyen des os d’animaux, principalement des omoplates de mouton. Le procédé consistait à dépouiller de chair les os sur lesquels on voulait opérer : on les exposait ensuite au feu, et d’après la direction des veines ou les fissures de la substance osseuse, fendillée par l’action de la chaleur, on établissait ses pronostics. Les règles de cet art étaient fixes et déterminées par une sorte de rituel comme celles de l’aruspicine romaine. Attila observa lui-même les os, et n’y lut que sa prochaine défaite. Les prêtres, après s’être consultés, déclarèrent aussi que les Huns seraient vaincus, mais que le général des ennemis périrait dans le combat. Par ce mot de général des ennemis, Attila comprit qu’il s’agissait d’Aëtius, et son visage s’illumina d’un éclair de joie. Aëtius était le grand obstacle à ses desseins ; c’était lui qui avait rompu par son habileté la trame si bien ourdie pour isoler les Visigoths des Romains, lui qui avait arrêté les Huns dans leur marche victorieuse, lui enfin qui était l’ame de ce ramas de peuples, jaloux les uns des autres, dont Attila aurait eu bon marché sans lui. Acheter sa mort par une défaite, dans l’opinion du roi des Huns, ce n’était pas l’acheter trop cher.

Cette bataille, qui ne lui promettait que la défaite, Attila eut soin de l’engager le plus tard possible dans la journée, afin que la défaite même ne fût pas irrévocable, et que la nuit survenant laissât place à de nouveaux conseils et à de nouvelles chances. À la neuvième heure du jour, environ trois heures après midi, il fit sortir son armée du camp. Lui-même se mit au centre avec les Huns proprement dits ; il plaça à sa gauche Valamir et les Ostrogoths, à sa droite Ardaric avec les Gépides et les autres nations sujettes des Huns. Aëtius, de son côté, prit le commandement de son aile gauche, formée des troupes romaines, opposa dans son aile droite les Visigoths aux Ostrogoths, et plaça dans le centre les Burgondes, les Franks, les Armorikes et les Alains de Sangiban, que les troupes fidèles avaient pour mission de surveiller. Les dispositions prises par Attila indiquaient assez son plan. En concentrant sa meilleure cavalerie au centre de l’ordre de bataille et à proximité de son retranchement de chariots, il voulait évidemment tenter une charge rapide sur le camp ennemi en même temps qu’il assurait sa retraite vers le sien. Aëtius, au contraire, en portant sa principale force sur ses flancs, eut pour but de profiter de ce mouvement, d’envelopper Attila s’il était possible, et de lui couper la retraite qu’il voulait se ménager. Entre les deux armées se trouvait une éminence en pente douce, dont l’occupation pouvait être avantageuse comme poste d’observation : les Huns y envoyèrent quelques