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encore debout, défendaient la porte orientale, où convergeaient les routes de Nevers et de Sens.

Gardiens d’un point si important, les habitans d’Orléans étaient en émoi au moindre bruit de guerre, et, dans cette décadence du gouvernement romain, où chefs et soldats leur manquaient souvent, ils s’étaient habitués à ne prendre conseil que d’eux-mêmes. Quand ils connurent la marche d’Attila et ses proclamations, dans lesquelles il disait n’en vouloir qu’aux Visigoths, les Orléanais sentirent bien que cet orage allait d’abord fondre sur eux. Remettre leurs murs en état, élever quelques ouvrages nouveaux, réunir tout ce qu’ils pourraient de vivres et de munitions de siège, fut leur premier soin ; le second fut d’épier la conduite des Barbares chargés de les garder ; ils découvrirent ou du moins ils soupçonnèrent les sourdes menées de Sangiban, et, quand le roi des Alains se présenta pour tenir garnison dans leur ville, ils lui en fermèrent les portes. En même temps, ils firent partir leur évêque Anianus pour le midi, afin d’informer de l’état des choses, soit le préfet du prétoire Tonantius Ferréolus, soit Aëtius lui-même, s’il était arrivé d’Italie. La mission d’Anianus consistait à vérifier par ses propres yeux sur quels secours Orléans pouvait compter, et de faire connaître aux généraux romains combien de temps la ville pouvait raisonnablement tenir sans secours étrangers, puisqu’elle avait dû repousser les Alains comme suspects, sinon comme traîtres déclarés.

Anianus, autrement dit Agnan, appartenait à cette race héroïque d’évêques que produisait le Ve siècle, et qui, hommes de savoir et de piété, hommes de conseil, hommes de main, devenaient, dans les périls publics, les magistrats naturels de leurs cités. L’élection populaire, qui était alors le mode de recrutement de l’église, savait démêler en eux les qualités qui devaient les rendre utiles en toute circonstance, soit qu’elle s’adressât à un commandant militaire comme dans Germain, à un avocat comme dans Loup de Troyes, à un poète homme du monde comme dans Sidoine Apollinaire. Les peuples suivaient avec une confiance que ne leur inspiraient pas toujours les généraux de profession ces capitaines improvisés, qui avaient le bâton pastoral pour arme, qui rangeaient leurs troupes au chant des psaumes, et commandaient la charge au cri d’Alleluia. De leur côté, les Barbares ne voyaient qu’avec une certaine appréhension des généraux sans cuirasse et sans épée, dont ils ne calculaient pas bien toute la puissance ; ils tremblèrent plus d’une fois devant eux, et plus d’une fois des négociations vainement poursuivies par les maîtres des milices ou les préfets se terminèrent par l’intervention d’un évêque. Anianus, en arrivant dans la ville d’Arles, domicile des hauts fonctionnaires romains, aperçut autour du palais impérial un appareil de licteurs et de gardes qui lui révéla la présence du patrice généralissime : Aëtius en effet était de retour depuis quelques jours. Au nom de l’évêque d’Orléans,