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si elle se repentait, et qu’Attila n’approcherait pas de ses murs. Elle alla donc exhorter ses compatriotes à la pénitence, leur ordonnant de laisser là tous leurs préparatifs de départ ; mais, elle ne reçut des hommes pour toute réponse que des paroles grossières et des marques de dérision. Rebutée de ce côté, elle prit le parti de s’adresser aux femmes.

Les rassemblant donc autour d’elle, elle leur disait en leur montrant de la main leurs maisons déjà vides et leurs rues désertes : « Femmes sans cœur, vous abandonnez donc vos foyers, ces toits sous lesquels vous fûtes conçues et nourries et où sont nés vos enfans, comme si vous n’aviez pas, pour garantir du glaive vous et vos maris, d’autres moyens que la fuite ! Que ne vous adressez-vous au Seigneur, puisant des armes dans la prière et le jeûne, ainsi que firent Esther et Judith ? Je vous prédis, au nom du Très Haut, que votre ville sera épargnée, si vous agissez ainsi, tandis que les lieux où vous croyez trouver votre sûreté tomberont aux mains de l’ennemi, et qu’il n’y restera pas pierre sur pierre. » Ses paroles, ses gestes, son regard d’inspirée, émurent toutes ces femmes, qui la suivirent silencieusement où elle voulut. Il y avait à la pointe orientale de l’île de Lutèce, dans le même emplacement où s’élève aujourd’hui la basilique de Notre-Dame, une église consacrée au proto-martyr saint Étienne. C’est là que Geneviève conduisit son cortége de femmes, à l’aide duquel elle se barricada dans le baptistère, et toutes se mirent à prier. Surpris de l’absence prolongée de leurs femmes, les hommes vinrent à leur tour à l’église, et, trouvant les portes du baptistère fermées, ils demandèrent ce que cela signifiait ; mais les femmes répondirent de l’intérieur qu’elles ne voulaient plus partir. Cette réponse mit les hommes hors d’eux-mêmes. Avant de briser la clôture d’un lien saint, ils tinrent conseil et discutèrent d’abord sur le genre de supplice qu’il convenait d’infliger à la fausse prophétesse, comme ils l’appelaient, à l’esprit de mensonge qui venait les tenter dans leurs mauvais jours. Les uns opinaient pour qu’elle fût lapidée à la porte de l’église, les autres pour qu’on la jetât la tête la première dans la Seine. Ils discutaient tumultueusement, quand le hasard leur envoya un membre du clergé d’Auxerre, qui fuyait l’approche de l’invasion et gagnait probablement la basse Seine, espérant y être plus à l’abri. C’était un diacre qui avait apporté plusieurs fois à Geneviève les eulogies de la part de saint Germain. Au nom de l’évêque mort depuis trois ans, il les réprimanda, les fit rougir de leur barbarie, et, les exhortant à suivre un conseil où il reconnaissait le doigt de Dieu : « Cette fille est sainte, leur dit-il, obéissez-lui. » Les Parisiens se laissèrent persuader et restèrent. Geneviève avait bien vu. Les bandes d’Attila, ralliées entre la Somme et la Marne, n’approchèrent point de Paris, et cette ville dut sa conservation à l’obstination courageuse d’une pauvre et simple fille. Si ses