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Oreste put y rencontrer Odoacre, simple soldat turcilinge, et le père du grand Théodoric, l’Ostrogoth Théodemir, était un des capitaines d’Attila : toutes les ruines du monde civilisé, toutes les grandeurs prédestinées du monde barbare semblaient faire cortége au génie de la destruction.

Pour arriver sur les bords du Rhin, comme il le fit, dans les premiers jours de mars, Attila dut se mettre en marche dès le mois de janvier. Il divisa son armée en deux corps, dont l’un suivit, sur la rive droite du Danube, la route militaire qui desservait les forts et châteaux romains, et les rasa tous à son passage, tandis que l’autre, remontant la rive gauche, s’incorporait, chemin faisant, ce qu’il restait de Quades et de Marcomans dans les Carpathes occidentales, et de Suèves dans la Montagne Noire. Réunies près des sources du Danube, les deux colonnes s’arrêtèrent à proximité de vastes forêts qui pouvaient leur fournir tous les matériaux nécessaires à leur transport en Gaule. Les Franks des bords du Necker, à l’approche d’Attila, chassèrent probablement ou tuèrent le jeune roi qu’ils tenaient des Romains, pour prendre l’autre prince chevelu qui leur arrivait sous un patronage si respectable ; mais ce ne fut pas tout, ils se rangèrent avec lui sous les étendards des Huns. Les tribus de la Thuringe en firent autant ; les Burgondes trans-rhénans eux-mêmes, oubliant leurs anciens griefs contre le roi Octar, devinrent soldats d’Attila. Tout en se recrutant ainsi de nouveaux auxiliaires, l’armée hunnique faisait ses préparatifs pour franchir le Rhin. La vieille forêt hercynienne, qui avait vu César et Julien, devint le chantier d’Attila ; ses chênes séculaires et ses aulnes tombés par milliers sous la hache, fabriqués en barques grossières, allèrent relier les deux rives du fleuve par des ponts mobiles. Tout indique qu’Attila fit jeter plusieurs de ces ponts et opérer le passage sur plusieurs points en même temps, soit afin d’éviter l’encombrement, soit pour que le pays pût nourrir les hommes et les chevaux, une fois passé. La division la plus orientale traversa le Rhin près d’Augusta, Augst, métropole des Rauraques, et prit ensuite la route d’étape des légions entre le fleuve et le pied des montagnes des Vosges. Attila, autant qu’on peut l’induire des circonstances de sa marche, choisit, un peu au-dessous du confluent de la Moselle, le lieu de passage ordinaire des armées romaines ; puis, suivant avec ses troupes la chaussée qui conduisait du port de débarquement à Trèves, il s’installa dans l’ancienne métropole des Gaules, au milieu des horreurs d’un sac.

Malgré le caractère très significatif de ce début, Attila, fidèle au plan qu’il s’était tracé, fit proclamer dans toute la Gaule qu’il venait en ami des Romains, et seulement pour châtier les Visigoths, ses sujets fugitifs et les ennemis de Rome ; que les Gaulois eussent donc à bien