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avait produit dans toutes ces contrées une misère inexprimable, et la misère à son tour avait produit la guerre civile. Des insurrections de paysans, auxquelles on donnait le nom de bagaudes, ne cessèrent pas de troubler la Gaule et l’Espagne depuis 435 jusqu’en 443, et, toute comprimée qu’elle était par la main vigoureuse d’Aëtius, la bagaudie ne semblait point éteinte. Ses chefs, dans les rangs desquels on comptait des mécontens de toutes les conditions et beaucoup de jeunes gens perdus de dettes, poursuivaient leurs projets dans l’ombre. On eût dit qu’ils attendaient aussi, pour combler la somme des malheurs publics, cette terrible année 451, objet de tant de frayeurs, et, pour ne se pas fier au seul hasard des événemens, un des principaux d’entre eux, le médecin Eudoxe, « homme d’une grande science, mais d’un esprit pervers, » nous disent les chroniques contemporaines, s’enfuit, en 448, chez les Huns. Là sans doute il ne manqua pas d’exciter Attila à porter la guerre en Gaule, lui promettant pour sa part l’appui des brigands, des esclaves et des paysans révoltés.

Deux événemens, l’un heureux, l’autre malheureux, augmentèrent le malaise des esprits, en ajoutant au trouble des maux prévus les chances imprévues d’une révolution de palais. Théodose mourut, le 28 juillet 450, d’une chute de cheval, et trois mois après ce fut le tour de Placidie, qui continuait à gouverner l’empire d’Occident pour son fils Valentinien III, alors âgé de trente et un ans. La mort de Théodose, suivie de l’exécution de Chrysaphius, fut un grand bien pour l’Orient ; mais celle de Placidie, en émancipant Valentinien, attira sur l’Occident des désastres sans remède. Suivant son habitude de faire marcher la politique avant les armes, Attila voulut sonder les nouveaux princes, et il commença par celui d’Orient. Comme il n’avait plus à demander la tête de Chrysaphius, que se disputait la populace de Constantinople, il réclama simplement le tribut consenti par Théodose ; mais le nouvel empereur, nommé Marcien, vieux soldat illyrien de la race énergique des Probus et des Claude, répondit qu’il avait de l’or pour ses amis, et du fer pour ses ennemis. Cette réponse, appuyée par des levées de troupes et par de bonnes mesures de défense, arrêta court Attila, qui tourna ses regards du côté de l’Occident.

De ce côté, il pouvait employer une arme terrible qu’il tenait en réserve depuis quinze années, attendant patiemment que l’occasion vînt de s’en servir, et après le décès de Placidie il crut cette occasion venue. Il y avait en effet quinze ou seize ans que la propre sœur de Valentinien III, Honoria, fille de Placidie et petite-fille du grand Théodose, dans un accès de folie romanesque ou de vengeance contre sa famille, qui la condamnait au célibat, avait envoyé un anneau de fiançailles au fils de Moundzoukh, monté récemment sur le trône des Huns. Attila, comme tous les Orientaux, n’aimait que les femmes retenues et modestes : il laissa la proposition d’Honoria sans réponse, mais il