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seraient détruites, mais que lui, pour prix de la foi qui l’avait amené, il mourrait sans avoir vu ces affreux spectacles. Quant aux esprits politiques, ils découvraient des signes de ruine plus infaillibles encore dans l’état d’ébranlement du monde occidental, tout près de se dissoudre, et qui semblait ne plus se soutenir que par l’épée d’Aëtius.

Si l’action directe des Huns s’était fait sentir moins violemment à l’empire d’Occident qu’à celui d’Orient, en revanche le premier avait plus souffert du contre-coup de leurs batailles. La seule présence de ces Barbares dans la vallée du Danube avait fait pleuvoir jusqu’au fond de l’Europe et jusqu’en Afrique les dévastations de la guerre. Les populations qu’ils déplaçaient et chassaient devant eux avaient presque toutes pris le chemin de la Gaule. Les Alains, les Vandales et les Suèves, entrés dans cette province en 406, la ravagèrent pendant quatre ans pour se reverser de là sur l’Espagne et sur les villes de l’Afrique. Trouvant la brèche faite sur le Rhin, les Burgondes envahirent l’Helvétie, puis la Savoie, et plusieurs des tribus frankes qui habitaient au nord de ce fleuve se transportèrent au midi, le long de la Meuse, dans une portion de la zone qu’on appelait la Rive, Ripa, et qui leur fit donner le nom de Franks-Ripuaires. Rome était contrainte d’accepter comme hôtes les envahisseurs qu’elle n’avait pas la force de repousser, et le nord des Gaules vit s’ajouter deux nouveaux peuples fédérés aux Franks Saliens, cantonnés dans la Toxanderie depuis cent ans. L’établissement du peuple visigoth en Aquitaine et l’existence d’un royaume barbare qui minait la Gaule intérieurement étaient encore un fruit de l’arrivée des Huns en Europe. Fugitifs devant Balamir, reçus par pitié en Pannonie, où ils s’étaient faits bientôt maîtres, les Visigoths avaient parcouru en dévastateurs la Grèce et l’Italie sous la conduite d’Alaric, puis, traversant les Alpes occidentales sous celle d’Ataülf, ils avaient arraché à la faiblesse du gouvernement romain un riche et fertile pays, où ils espéraient bien être pour jamais délivrés des fils des sorcières. Deux hordes de fédérés alains, restes de l’invasion de 406, en occupaient quelques cantons déserts : l’une aux environs de Valence, l’autre sur la rive gauche de la Loire, dont elle gardait les passages. Ces fils du Caucase y promenaient, la lance en main, leurs maisons roulantes et leurs troupeaux, continuant la vie des steppes de l’Asie dans les plaines de la Touraine et de l’Orléanais.

Ainsi donc le morcellement de la Gaule entre cinq peuples fédérés, l’Espagne à moitié conquise, l’Afrique perdue, l’île de Bretagne séparée du gouvernement de l’Italie, voilà le tableau que présentait, en 451, l’empire romain occidental. Il faut joindre à ces morcellemens celui de la Bretagne armoricaine, qui, à l’exemple de la grande île du même nom, et par l’impulsion de Bretons fugitifs, s’était constituée en état indépendant sous des chefs nationaux. La guerre étrangère