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paiement des redevances annuelles, la société créancière entre de plein droit en possession des immeubles hypothéqués, en touche les revenus, réalise les récoltes, et même, dans le cas où ces mesures paraîtraient insuffisantes pour la mettre à couvert de tous risques, elle est autorisée à poursuivre la vente des biens engagés, sans être astreinte aux interminables et dispendieuses formalités prescrites pour les saisies immobilières. On fait revivre en sa faveur une procédure sommaire, semblable à celle qui a été effacée de nos codes en 1841, et qui était désignée autrefois dans la pratique sous le nom de voie-parée. En cas d’inexécution des engagemens contractés avec la société, celle-ci aurait le droit, après un simple commandement, de faire vendre les immeubles hypothéqués, sans être tenue d’observer les formes et les délais prescrits par le code civil en matière d’expropriation forcée. Dangereuse peut-être[1] entre particuliers, la clause de voie-parée ne présente plus les mêmes inconvéniens lorsqu’elle est appliquée au profit d’une administration publique, à qui on ne peut supposer l’arrière-pensée de tendre un piège à son débiteur pour le dépouiller.

Le fait d’une banque industrielle, quand elle lance ses billets dans la circulation à la place du papier de commerce, qu’elle classe dans son portefeuille après l’avoir escompté, est de substituer son immense crédit à la place du crédit douteux d’un individu obscur. De même une société de crédit foncier revoit les obligations hypothécaires qu’un particulier obscur contracte à son profit, et les remplace par une somme égale de ses propres obligations, garanties, aux yeux du public, par de minutieuses précautions et une imposante solidarité. Ces obligations collectives ou lettres de gage sont nominatives et transmissibles par voie d’endossement, ou simplement payables au porteur : elles produisent, au profit du détenteur, un intérêt qu’on propose de fixer provisoirement à 4 et demi pour 100. Les coupures de, ces lettres de gage peuvent être variées à volonté ; mais il n’est pas permis d’en créer au-dessous de 100 francs. Elles circulent de main en main comme les billets de banque. Celui qui en est détenteur à l’échéance va toucher le dividende au siège de l’administration. Enfin, chaque année, la somme produite par le mécanisme de l’amortissement est employée

  1. M. Gautier, sous-gouverneur de la Banque de France, s’est exprimé ainsi devant le conseil d’état au sujet de la voie-parée : « Il a, été un temps, dans le pays que j’hatais (la Gironde), où cela était devenu la règle universelle. Il en était résulté de très grands avantages. Les propriétaires de bonne foi, qui savaient qu’en se soumettant à la voie-parée ils devaient être expropriés en cas de retard de leur part, n’empruntaient qu’avec la certitude de pouvoir rembourser. Ils trouvaient facilement du crédit à des conditions modérées. » — Dans une autre enquête sur le crédit agricole, faite en 1845 par les conseils d’agriculture, dix départemens demandent le rétablissement de la voie-parée. Tel n’est pourtant pas l’avis des gens de loi, qui ont leurs raisons pour préférer les saisies après procédures.