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pas à s’élever en proportion de l’accroissement des signes monétaires, et cet enchérissement de toutes choses appauvrirait ceux qui vivent d’une rente ou d’un appointement invariable. Si, au contraire, ces assignats d’une nouvelle espèce subissaient une dépréciation, ce qui est plus probable, les créanciers hypothécaires, remboursés avec un papier discrédité, seraient dépouillés : la prétendue liquidation de la propriété ne serait en réalité qu’une banqueroute.

Le second type de banque foncière repose sur une spéculation fort légitime en elle-même, mais dont l’insuffisance est frappante à première vue. Si les exploiteurs parvenaient à réaliser de gros bénéfices, ce ne pourrait être qu’au détriment des emprunteurs ; la réforme projetée aboutirait à une déception. Si, au contraire, les actionnaires n’étaient pas attirés par de beaux dividendes, l’affaire ne prendrait pas d’extension, et resterait sans influence sur le sort de la propriété.

Les seules combinaisons qu’on puisse admettre sans illusions et sans dangers sont celles qui procèdent du système allemand. C’est sur ce terrain que le gouvernement vient de se placer. Le décret du 28 février est destiné à tracer les limites dans lesquelles pourront s’organiser les diverses sociétés de crédit foncier. Or, sans exclure les compagnies de capitalistes spéculateurs qui auraient à proposer des combinaisons ingénieuses, l’autorité a évidemment pour but principal de provoquer et de favoriser les sociétés de propriétaires emprunteurs.

Rendons-nous donc un compte bien exact du rôle et de la portée d’une société de ce genre. Constituée sur le type des institutions qui fonctionnent avec tant de succès en Prusse et en Gallicie, ce serait une agence interposée entre les possesseurs de biens-fonds et les capitalistes qui cherchent des placemens. Aux premiers, elle prêterait sur première hypothèque, et jusqu’à moitié de la valeur de leurs immeubles, en leur délivrant non pas de l’argent, mais des lettres de gage : tel est le nom déjà consacré pour certains coupons de rentes hypothécaires avec lesquels on pourrait battre monnaie en les négociant à la Bourse ; ou, mieux encore, ces coupons passeraient de main en main, comme des effets de commerce, par simple endossement, mais sans qu’il y ait obligation de les accepter. Quant aux personnes qui recherchent les placemens hypothécaires, malgré leurs inconvéniens dans l’état actuel, l’agence intermédiaire leur offrirait une surabondance de garanties, en leur assurant, pour le paiement des intérêts, une ponctualité dont on ne se pique pas toujours dans les études de notaire ; en appuyant l’hypothèque non pas sur une seule propriété susceptible de dépréciation, mais sur une masse d’immeubles engagés solidairement pour une somme bien inférieure à leur valeur réelle. N’ayant plus affaire qu’à une administration publique contrôlée par le gouvernement, le rentier hypothécaire serait dispensé de surveiller son débiteur ; il