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nantie, et qu’elle recouvre promptement ses avances, puisqu’elle a pour règle de n’escompter que du papier à court terme. Il y a plus, elle rentre en réalité dans ses déboursés bien avant l’échéance du billet, puisqu’elle se couvre au jour le jour par l’émission de son propre papier.

Dans le crédit public, la garantie collective de toute une nation, représentée par son gouvernement, inspire une sécurité légitime, et la facilité de négocier son titre à la Bourse permet au prêteur de dégager son capital du jour au lendemain.

Le crédit foncier repose sur une combinaison du crédit commercial et du crédit public. Comme dans le premier, le prêt est garanti par un nantissement matériel d’une solidité incontestable, et, comme dans le second, la réalisation doit s’opérer à volonté par la négociation du titre de créance.

L’idée du crédit foncier s’est manifestée pour la première fois vers l’année 1770. On en fait les honneurs à un négociant de Berlin nommé Wolfgang Büring. En fait, il en est de cette innovation comme de presque tous les progrès en matière administrative ; elle ne résulte pas d’une conception théorique ; elle s’est produite spontanément dans beaucoup d’esprits, quand les circonstances l’ont rendue nécessaire : elle a été fécondée à la longue par les leçons de l’expérience.

La Silésie avait beaucoup souffert pendant la guerre de sept ans, dont elle avait été le principal théâtre. Après la paix, elle se trouva plus à plaindre encore. La noblesse silésienne avait contracté de nombreux emprunts, à la condition de laisser prendre hypothèque sur ses domaines et d’accepter au pair une monnaie dépréciée. Tant que durèrent les hostilités, elle se dédommagea par le prix excessif des récoltes dans un pays menacé de famine ; mais, à la paix, la monnaie ainsi que les denrées étant retombées à leurs prix naturels, la propriété resta sous le poids d’une dette énorme avec des revenus considérablement réduits. Dans l’impossibilité de faire honneur à leurs engagemens, les emprunteurs se virent avec effroi menacés de poursuites qui devaient aboutir à l’expropriation de la noblesse. La crise financière pouvait dégénérer en révolution politique. Le grand Frédéric se crut alors autorisé à intervenir. Il imagina de rendre un édit d’indulgence, c’est-à-dire un décret aux termes duquel un délai de trois années était accordé pour le paiement des dettes hypothécaires. Ce triste expédient préserva de l’expropriation les anciens détenteurs du sol, mais il acheva la ruine de l’agriculture en la privant de tout crédit. La crainte qu’un nouveau délai fût accordé arbitrairement pour le paiement des dettes exigibles écarta les capitalistes honorables : on ne trouva plus à emprunter qu’auprès des usuriers, qui proportionnèrent leurs profits aux risques dont les menaçait le despotisme.