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à cette subordination nécessaire ; mais si cette discussion n’a pas éclairé la vraie cause du renvoi de lord Palmerston, elle a éclairé en revanche la situation présente de cet homme d’état. Depuis sa chute, tous les partis se demandaient quelle résolution prendrait lord Palmerston. Allait-il pencher de plus en plus vers les radicaux, ou bien, altéré de vengeance, allait-il passer avec armes et bagage dans le camp des protectionnistes ? L’illusion n’est plus possible : par son discours modéré et humble, il a pour ainsi dire accepté son renvoi ; s’il a de la rancune, il ne poursuit point de vengeance ; il ne se sépare pas de ses anciens amis, et reste whig comme devant. Ce discours a coupé court à bien des espérances ; aussi s’explique-t-on la fureur de tous les partis, qui, pensant que lord Palmerston allait leur apporter l’appoint de sa force et de son intelligence, n’ont pas eu assez d’injures, le lendemain de cette séance, contre le ministre déchu qu’ils exaltaient la veille.

Les alarmes nationales et les ardeurs belliqueuses de l’Angleterre se sont un peu calmées durant cette quinzaine, et le discours de la reine y a sans doute contribué. Ainsi nous avons la promesse solennelle que ces alarmes et ces ardeurs ne passeront pas à l’état de danger réel, que ces armemens et ces fortifications sont affaire de simple prudence. La note diplomatique de lord Granville aux cours du Nord est une confirmation du discours de la reine ; la question des réfugiés est tranchée autant qu’elle peut l’être. Dans cette note, lord Granville a cherché à prendre un moyen terme entre les intérêts de conservation des états européens et l’honneur de l’Angleterre : le gouvernement peut veiller sur les réfugiés, il peut, par cette surveillance, mettre obstacle à leurs projets, s’ils sont nuisibles ; mais la loi et la coutume d’Angleterre sont contraires à l’expulsion des émigrés. « Je pense, mylords, que c’est contre la loi. » Ce mot de Chatham, dirigé contre les impôts qui motivèrent la révolution d’Amérique, est l’excuse que lord Granville donne aux nations étrangères de la conduite du gouvernement anglais.

La situation de l’Espagne est dominée depuis quelques jours par le triste et odieux événement qui a douloureusement retenti en Europe : nous voulons parler de la tentative d’assassinat dirigée contre la reine Isabelle. Tout devait éloigner, en Espagne, la pensée d’un tel crime, et cependant il s’est trouvé un homme pour l’exécuter. C’était le premier jour de sortie de la jeune souveraine depuis ses couches récentes. Elle allait accomplir le pèlerinage traditionnel des reines d’Espagne à l’église de Notre-Dame d’Atocha, et, au moment de quitter le palais, au milieu de sa cour et d’une foule considérable ; elle a été frappée d’un coup de poignard dans le côté. Heureusement l’assassin a été mal servi par son arme, et la blessure de la reine Isabelle est aujourd’hui sans danger. La première impression ressentie à Madrid a été de l’indignation mêlée de quelque surprise ; on s’est étonné d’un tel attentat, et on n’a point tardé à savoir que l’assassin était lui-même un type étrange qui n’existe peut-être qu’en Espagne : moine décloîtré et démagogue, troublé par un froid fanatisme révolutionnaire, long-temps émigré en France, vagabond de l’église et prêteur à la petite semaine, tombé insensiblement enfin du vice dans le crime. Le régicide espagnol se nomme Manuel-Martin Merino, et il a péri par le suplice du garrole, après avoir été dégradé comme prêtre. Pendant tout le temps qui a précédé son exécution, cet homme n’a cessé de garder le sang-froid le