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JEAN-JACQUES ROUSSEAU
SA VIE ET SES OUVRAGES.


II

LE DISCOURS SUR LES SCIENCES ET LES ARTS. [1]

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I.

Rousseau prétend que si, dans ce discours, il prit parti contre les sciences et les arts, ce fut par une sorte d’inspiration quasi-surnaturelle. Il allait, dit-il, à Vincennes voir Diderot, qui était prisonnier au donjon. Il feuilletait, en marchant, le Mercure de France, et il tomba sur cette question proposée par l’académie de Dijon : « Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs. »

Tout à coup, dit-il, je me sens l’esprit ébloui de mille lumières ; des foules d’idées neuves s’y présentent à la fois avec une force et une confusion qui me jettent dans un trouble inexprimable ; je sens ma tête prise par un étourdissement semblable à l’ivresse. Une violente palpitation m’oppresse, soulève ma poitrine. Ne pouvant plus respirer en marchant, je me laisse tomber sous un des arbres de l’avenue, et j’y passe une demi-heure dans une telle agitation, qu’en me relevant j’aperçus tout le devant de ma veste mouillé de mes larmes sans avoir senti que j’en répandais[2]. » L’histoire est belle et ressemble à la conversion de saint Paul sur le chemin de Damas. La Harpe raconte la

  1. Voyez la livraison du 1er  janvier.
  2. Deuxième lettre à M. de Malesherbes.