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que tu ne m’as pas donné de femme. » L’idée de cet avorton réclamant une femme provoqua chez Bléda un rire inextinguible ; non-seulement il lui pardonna, mais il lui fit épouser une des suivantes de la reine, disgraciée pour quelque grave méfait. Après la mort de Bléda, Attila envoya Zercon en cadeau au patrice Aëtius, qui s’en défit en faveur de son premier maître Aspar. Édécon, l’ayant rencontré à Constantinople, lui avait persuadé de venir en Hunnie redemander sa femme. Profitant donc de l’occasion de la fête, Zercon entra dans la salle et vint adresser sa requête à Attila, mêlant, dans son verbiage, la langue latine à celles des Huns et des Goths d’une façon si burlesque, que nul ne put s’empêcher de rire, et les joyeux éclats se faisaient encore entendre lorsque les Romains, pensant qu’ils avaient assez bu, s’esquivèrent au milieu de la nuit, tandis que la compagnie fit bonne contenance jusqu’au jour.

Le temps s’écoulait en pure perte pour les ambassadeurs, qui n’obtenaient ni audience du roi ni réponse satisfaisante sur aucun point. Ils demandèrent à partir ; mais Attila, sans leur en refuser positivement l’autorisation, les retint sous différens prétextes ; il les gardait. La reine Kerka voulut les traiter à son tour ; elle les invita dans la maison de son intendant Adame à un repas « magnifique et fort gai, » nous dit Priscus, où les convives, en dépit de la gravité romaine, durent boire et s’embrasser à la ronde. Un second souper qui leur fut offert par Attila reproduisit, aux yeux de Maximin et de son compagnon, l’étiquette cérémonieuse du premier ; seulement Attila s’y dérida quelque peu. Plusieurs fois, ce qui n’avait pas encore eu lieu, il adressa la parole à Maximin pour lui recommander, entre autres choses, le mariage du Pannonien Constancius, son secrétaire. Cet homme, envoyé à Constantinople, il y avait déjà quelques années, comme interprète ou adjoint d’une ambassade, s’y était vu l’objet des empressemens de la cour, qui espérait le gagner, et il avait en effet promis ses bons offices pour le maintien de la paix, à la condition que Théodose lui donnerait en mariage quelque riche héritière, sa sujette. Théodose, que de tels cadeaux ne gênaient guère, lui avait aussitôt proposé une orpheline, fille de Saturninus, ancien comte des domestiques, que l’impératrice Athénaïs avait accusé de complot et fait mourir. Encore prisonnière et gardée dans un château fort, la jeune, fille n’apprit pas sans une mortelle horreur le sort qu’on lui destinait, et, résolue de s’en affranchir à tout prix, elle se fit enlever par Zénon, général des troupes d’Orient, qui la maria avec un de ses amis nommé Rufus. Attila, furieux à cette nouvelle, manda insolemment à Théodose que, s’il n’avait pas la puissance de se faire obéir chez lui, Attila viendrait l’y aider ; mais une rupture n’était pas le fait de Constancius, qui se contenta de la promesse d’une autre femme. C’était ce qu’Attila rappelait