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Ce vieil enfant n’avait que faire de sa liberté : il l’aliéna donc toujours avec plaisir, ne cherchant qu’à vivre heureusement sous une tutelle volontaire. Quand il ne régnait pas en compagnie de sa sœur aînée Pulchérie, son plus sage et plus affectionné conseiller, quand il ne subissait pas le joug parfois un peu rude de sa femme, la pédante Athénaïs, qui, de l’école du philosophe son père, avait apporté sur le trône l’orgueil et les déportemens d’une Agrippine, il obéissait à ses eunuques, et en premier ordre au grand eunuque son chambellan. Ce grand eunuque, il est vrai, changeait souvent, quoique son autorité fût toujours la même ; les révolutions du palais de Byzance se succédaient presque sans interruption, et l’histoire a daigné enregistrer toutes ces dynasties d’eunuques, si un tel mot p put s’appliquer à de telles gens : elle compte jusqu’à quinze chambellans, premiers ministres de Théodose, qui se supplantèrent et pour plusieurs même s’étranglèrent l’un l’autre dans l’espace de vingt-cinq ans. En 443 enfin, le sceptre tomba entre les mains de Chrysaphius, qui sut le retenir avec résolution, n’épargnant, pour écraser ses rivaux et captiver son maître, ni les pillages publics, qui enrichissaient le fisc impérial, ni les violences, ni les perfidies. Tout ce qu’on peut imaginer de bassesse et de corruption régna sept ans avec lui et domina un prince dont le cœur n’était pourtant point fermé à tout sentiment d’honneur. Théodose de sa nature étant peu belliqueux, on tâchait de désarmer l’ennemi à force d’or, et on faisait disparaître, comme des ambitieux turbulens, les généraux utiles à l’empire, mais qui blâmaient ces lâchetés. Un pareil gouvernement légitimait tous les mépris qu’on pouvait verser sur lui ; aussi Attila ne lui en épargnait aucun, tandis qu’au contraire il ménageait dans l’empire d’Occident l’administration et la personne d’Aëtius.

Dans les premiers mois de l’année 449, arrivèrent à Constantinople, avec le titre d’ambassadeurs des Huns, deux personnages importans Édécon, Hun de naissance ou Scythe, comme s’exprimaient les Grecs par archaïsme, et un Pannonien nommé Oreste, — le premier officier supérieur dans les gardes d’Attila, le second son principal secrétaire. C’était ce même Oreste qui vint, quelques années plus tard, clore, par le nom de son fils Romulus Augustule, la liste des empereurs d’Occident ouverte par le grand César et par Auguste, circonstance qui lui mériterait à elle seule une mention particulière dans ce récit. Né aux environs de Petavium, aujourd’hui Pettau sur la Drave, de parens honnêtes et aisés, il avait fait, jeune encore, un brillant mariage, en devenant le gendre du comte Romulus, personnage considérable de sa province, honoré de plusieurs missions par le gouvernement d’Occident ; mais une position si sortable ne le satisfit point. Oreste appartenait à cette classe de gens, fort nombreux alors, qu’une ambition