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LES POPULATIONS OUVRIÈRES.

casernes où les locataires, entassés les uns près des autres, ne sont pas, pour ainsi dire, chez eux. À l’intérieur des logemens règne une propreté remarquable, et nous y avons vu tous les jeunes enfans avec des mines rayonnantes de contentement et de santé[1].

Plusieurs écoles existent depuis long-temps pour l’instruction des enfans ; aussi la majorité des ouvriers sait-elle aujourd’hui lire et écrire. Un professeur spécial enseigne la musique à quelques sujets qui montrent des dispositions pour cet art, et forment ensuite un corps d’exécutans dont il conviendrait peut-être de multiplier les exercices dans l’intérêt de la moralité générale. Ne serait-il pas possible, par exemple, de diminuer le dimanche la clientelle du cabaret en organisant quelques concerts pour les ouvriers de l’usine ? — Comment régler l’emploi du dimanche ? Voilà une question d’une importance capitale, au point de vue moral et au point de vue économique. Destiné à élever les ames vers une région supérieure à la vie habituelle, tout en laissant aux forces physiques un temps de repos, ce saint jour a perdu son caractère : il est devenu une occasion d’épanouissement pour tous les instincts matériels, et il coûte souvent à l’homme plus de fatigue que la plus rude journée de travail. Il appartiendrait aux chefs des grands établissemens d’instituer quelques moyens de distraction, quelques divertissemens publics accommodés aux goûts de la population laborieuse.

Les divers élémens d’organisation intérieure des ateliers de Munster paraissent de nature à réagir heureusement sur la vie extérieure des ouvriers. L’habitude de la règle au dedans a-t-elle réellement pour effet de rendre la conduite plus régulière au dehors ? Un fait certain, c’est que, dans une société dont tous les membres se connaissent et se suivent pour ainsi dire du regard, aucun excès ne pouvant demeurer inconnu, l’opinion exerce un inévitable empire. Les mœurs, sans être ici à l’abri de tout reproche, ne présentent pas le spectacle de cette affligeante dissolution qui étouffe jusqu’au sentiment de la pudeur. Le lien de la famille conserve une assez grande puissance. Les enfans remettent leur gain à leurs parens jusqu’à l’âge de dix-sept ou dix-huit ans et leur paient ensuite une pension jusqu’au moment de leur mariage. Les familles sont loin d’être aussi nombreuses que dans la vallée de la Zorn. Une circonstance digne d’être remarquée en Alsace, c’est que les ménages catholiques comptent généralement beaucoup plus d’enfans que les ménages protestans. À Munster, où les deux tiers de la population au moins appartiennent au protestantisme, la moyenne descend à trois ou quatre seulement. Une seule église sert pour les deux cultes, qui l’occupent le dimanche à différentes heures[2]. Appelés

  1. Il est défendu d’établir un débit de liqueurs spiritueuses dans la maison commune, sous peine d’amende pour la première contravention, et d’expulsion en cas de récidive.
  2. On sait comment s’opère le partage d’une église mixte : le chœur, qui est exclusivement catholique, se ferme avec une grille ou un rideau pendant la réunion des protestans, dont le ministre a sa chaire au milieu de la nef.