Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous : elle étudia 89 et 93, le consulat et l’empire, et tandis qu’une légitime curiosité pour ces grandes époques s’éveillait dans les esprits comme par un mystérieux pressentiment de l’avenir, on se tournait en même temps, par-delà le XVIIIe siècle, vers le dernier des grands siècles de la France de Louis IX et de Philippe-Auguste, celui qui prit et garda le nom du dernier des grands rois de la vieille monarchie, le siècle de Louis XIV.

Aucune époque de notre histoire n’est plus riche que le XVIIe siècle en documens de toute espèce, lettres, mémoires, correspondances intimes ou officielles, pièces administratives, politiques, militaires, etc. Parmi les personnages qui jouèrent à cette date un rôle sur la scène du monde, un grand nombre, hommes ou femmes, ont laissé par écrit de précieux souvenirs, et pour les actes même les plus secrets de l’administration et du gouvernement les renseignemens abondent. Il y avait là, pour l’histoire des mœurs, des lettres, de la diplomatie, de la guerre, une mine féconde de matériaux, les élémens de bien des publications, les germes de bien des volumes. Aussi, depuis vingt ans, cette mine a-t-elle été exploitée avec un zèle infatigable, et il est résulté de ce concours d’efforts un assez bon nombre de livres estimables et quelques livres excellens.

Chacun a pris sa part de l’héritage du grand roi. M. Mignet a choisi la diplomatie. Dans les Négociations relatives à la succession d’Espagne, il a éclairé d’un commentaire perpétuel les documens les plus secrets des archives des affaires étrangères, et il a exposé sous toutes ses faces cette importante question, l’une des plus graves de notre histoire, dans une introduction qui passe à juste titre pour l’un des morceaux les plus remarquables de l’école historique moderne. M. le général Pelet a fait pour la guerre ce que M. Mignet a fait pour la diplomatie. Les Mémoires militaires, extraits, comme les Négociations, des archives des ministères, contiennent aussi les documens officiels les plus importans et les plus authentiques, les bulletins, les ordres de campagne, les principales lettres du roi, des ministres et des généraux qui commandaient les armées françaises. On passe ainsi tour à tour du cabinet des négociateurs au bivouac des soldats ; on voit la pensée qui dirige et le bras qui exécute. Dans un ordre tout différent, des travaux consciencieux et approfondis ont été publiés par M. Pierre Clément, qui s’est occupé surtout des finances, du commerce, du gouvernement de Louis XIV, de la vie et de l’administration de Colbert. M. Alexandre Thomas a présenté le tableau complet de l’organisation d’une grande province. M. Henri Martin, dans une thèse savante intitulée la Monarchie au dix-septième siècle, a étudié le système et l’influence personnelle du roi, principalement en ce qui concerne la cour, les lettres, les arts et les croyances, et il a complété ce travail par un curieux parallèle entre les théories politiques du monarque et celles de Bossuet. M. Sainte-Beuve a porté avec une pénétration toujours équitable la lumière dans le chaos du jansénisme. Il a dégagé, de l’immense entassement de volumes sous lesquels elles étaient comme ensevelies ; les questions morales et littéraires, et retrouvé, on peut le dire sans exagération, tout un côté de l’histoire intellectuelle du grand règne. Un écrivain qui de nos jours rappelle fidèlement, par la beauté sévère de son style, le style éclatant et simple du XVIIe siècle, M. Cousin, s’est fait le biographe de la famille de Pascal, le scholiaste des Pensées. D’excellentes monographies