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de l’Église accomplie, comme il la lui laissait à accomplir, celui-ci même, dans cette situation heureuse, aurait eu fort à faire pour se suffire à lui-même, car le reste de l’Italie lui préparait de graves difficultés ; mais, dans le déplorable état où il trouvait les choses, sa confiance ne pouvait se justifier que par des prodiges de volonté et de savoir-faire. Il est donné à peu de ministres de faire des prodiges : le cardinal Ferretti n’en fit point. À l’intérieur, il essaya de deux choses seulement qui méritent d’être remarquées. Il organisa la garde nationale sur le modèle de la nôtre. L’institution eût pu être utile, si le cardinal-ministre avait eu la main aussi ferme qu’il avait les intentions libérales. Le parti modéré, le 16 juin, avait montré, en effet, qu’on pouvait dans un moment de danger compter sur lui ; mais il n’aurait pas fallu flatter les passions populaires dans le même temps qu’on s’armait contre elles. La seconde mesure intérieure notable du ministère Ferretti fut l’organisation du personnel de la consulte. Ce personnel fut bien choisi ; mais pourquoi, la consulte une fois réunie, ses délibérations restèrent-elles aussi stériles que l’avaient été celles des commissions instituées par le cardinal Gizzi ? En somme, on peut dire, sans injustice, que le cardinal Ferretti n’opéra exactement aucune réforme sérieuse de plus que son prédécesseur. Comme celui-ci, il dépensa en atermoiemens, en lenteurs, en affiches, en vaines avances et en dangereuses promesses tout ce qu’il avait de cœur, et il en avait beaucoup, de bonne volonté, et il en était rempli, de temps enfin, mais il en eut très peu.

Son excuse, outre l’immense difficulté de la tâche qu’il avait à exécuter, fut dans les embarras imprévus et très graves dont les événemens extérieurs la compliquèrent encore. M. Rossi l’avait bien vu l’année auparavant. « Dans un an ; répétait-il, qui sait si la question, qui n’est aujourd’hui qu’administrative et pontificale, ne sera pas politique et italienne, et en voie de devenir bientôt révolutionnaire et européenne ? » A la fin de juillet 1847, la prophétie de M. Rossi commençait déjà à s’accomplir. Inquiets du mouvement qui se propageait à leur porte, les Autrichiens un matin occupèrent Ferrare. La mesure était aussi imprudente que violente ; elle exaspéra les Italiens et ajouta aux difficultés de la cour de Rome une difficulté terrible, en commençant la transformation de la question de la réforme pontificale en une question politique et étrangère. Pie IX, le doux, le clément Pie IX, commença d’apparaître à l’imagination italienne, non plus sous les traits d’un pontife ennemi et réformateur des abus, mais sous ceux d’un pape libérateur. On ne parla plus bientôt de la consulte, mais de l’indépendance de l’Italie, et cette simple affaire de l’amélioration de l’administration des États de l’Église prit la forme et affecta insensiblement le caractère d’une question de remaniement de territoire.