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Dans cette situation, les Huns vivaient de chasse, de vol et du produit de leurs troupeaux. Le Hun blanc détroussait les convois de marchands qui trafiquaient avec l’Inde ; le Hun noir chassait la martre, le renard et l’ours dans les forêts de la Sibérie, et faisait le commerce des pelleteries sous de grandes balles en bois construites près du Jaïk ou du Volga, et fréquentées par les trafiquans de la Perse et de l’empire romain, où les fourrures étaient très recherchées. Cependant on ne se hasardait qu’avec crainte à traverser ces peuplades sauvages, dont la laideur était repoussante. L’Europe, qui n’avait rien de tel parmi ses enfans, les vit arriver avec autant d’horreur que de surprise. Nous laisserons parler un témoin de leur première apparition sur les bords du Danube, l’historien Ammien Marcellin, soldat exact et curieux qui écrivait sous la tente et rendait quelquefois avec un rare bonheur les spectacles qui se déroulaient sous ses yeux. Nous ferons remarquer cependant que le portrait qu’il trace des Huns s’applique surtout à la branche occidentale, c’est-à-dire aux tribus finnoises ou finno-mongoles.


« Les Huns, dit-il, dépassent tout ce qu’on peut imaginer de plus barbare et de plus sauvage, Ils sillonnent profondément avec le fer les joues de leurs enfans nouveau-nés, afin que les poils de la barbe soient étouffés sous les cicatrices ; aussi ont-ils, jusque dans leur vieillesse, le menton lisse et dégarni comme des eunuques. Leur corps trapu, avec des membres supérieurs énormes et une tête démesurément grosse, leur donnent une apparence monstrueuse : vous diriez des bêtes à deux pieds ; ou quelqu’une de ces figures en bois mal charpentées dont on orne les parapets des ponts. Au demeurant, ce sont des êtres qui, sous une forme humaine, vivent dans l’état des animaux. Ils ne connaissent pour leurs alimens ni les assaisonnemens ni le feu : des racines de plantes sauvages, de la viande mortifiée entre leurs cuisses et le dos de leurs chevaux, voilà ce qui fait leur nourriture. Jamais ils ne manient la charrue ; ils n’habitent ni maisons ni cabanes, car toute enceinte de muraille leur paraît un sépulcre, et ils ne se croiraient pas en sûreté sous un toit. Toujours errans par les montagnes et les forêts, changeant perpétuellement de demeures, ou plutôt n’en ayant pas, ils sont rompus dès l’enfance à tous les maux, au froid, à la faim, à la soif. Leurs troupeaux les suivent dans leurs migrations, traînant des chariots où leur famille