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disparaît sous des dénominations de confédérations et de ligues qui, formées autour de l’Oural, agissaient tantôt sur l’Asie, tantôt sur l’Europe, mais plus fréquemment sur l’Asie. La plus célèbre de ces confédérations paraît avoir été celle des Khounn, Hounn, ou Huns, qui, au temps dont nous parlons, couvrait de ses hordes les deux versans de la chaîne ouralienne et la vallée du Volga. Elle y existait dès le second siècle de notre ère, puisqu’un géographe de cette époque, Ptolémée, nous signale l’apparition d’une tribu des Khounn parmi les Slaves du Dniéper, et qu’un autre géographe nous montre des Hounn campés entre la mer Caspienne et le Caucase, d’où leurs brigandages s’étendaient en Perse et jusque dans l’Asie Mineure. On croit même retrouver dans les inscriptions cunéiformes de la Perse ce nom terrible inscrit au catalogue des peuples vaincus par le grand roi. Qu’il nous suffise de dire qu’au IVe siècle la confédération hunnique s’étendait tout le long de l’Oural et de la mer Caspienne, comme une barrière vivante entre l’Asie et l’Europe, appuyant une de ses extrémités contre les montagnes médiques, tandis que l’autre allait se perdre, à travers la Sibérie, dans les régions désertes du pôle.

Cette domination répandue sur un si vaste espace, et qui versa pendant trois siècles et par bans successifs sur l’Europe tant de ravageurs et de conquérans jusqu’à l’arrivée des peuples mongols, ne comptait-elle que des tribus de race finnique ? Les conquêtes de Tchinghiz-Khan et de Timour, en nous donnant le secret des dominations rapides et passagères de l’Asie centrale, répondraient au besoin à cette question ; mais l’histoire nous en dit davantage : elle nous apprend que les Huns se divisaient en deux grandes branches, et que le rameau oriental ou caspien portait le nom de Huns blancs, par opposition au rameau occidental ou ouralien, dont les tribus nous sont représentées comme basanées ou plutôt noires[1]. Ces deux branches de la même confédération n’avaient entre elles, aux IVe et Ve siècles, que des liens très lâches et presque brisés, ainsi que nous le fera voir le détail des événemens. Sans nous aventurer donc à ce sujet dans le dédale des suppositions où s’est perdue plus d’une fois l’érudition moderne, noue dirons que, suivant toute probabilité, la domination hunnique comprenait dans son sein les populations que présente encore le pays qu’elle occupait : des Turcs à l’orient, des Finnois à l’occident, et, suivant une hypothèse très vraisemblable, une tribu dominante de race mongole, offrant le caractère physique asiatique plus prononcé que les Finnois : en effet, c’est avec l’exagération du type calmouk que l’histoire nous peint Attila et une partie de la nation des Huns[2].

  1. Pavendd nigredine. — Jornandes, de reb, get., 8. — Tetri colore, id., II.
  2. Le portrait qu’on nous fait d’Attila est plutôt celui d’un Mongol que d’un Finnois ouralien. Nous savons en outre par l’histoire qu’une partie des Huns employait des moyens artificiels pour donner aux enfans la physionomie mongole en leur aplatissant le nez avec des bandes de linge fortement serrées, et en leur pétrissant la tête de manière à développer les pommettes des joues. Quelle raison pouvait avoir cet usage bizarre sinon le désir de se rapprocher autant que possible d’un type humain qui jouissait d’une grande considération parmi les Huns, en un mot de se rapprocher de la race aristocratique ? ’La raison donnée par les écrivains latins, que c’était afin d’asseoir plus solidement le casque sur la tête, n’est pas une raison sérieuse. Il est plus sensé de croire que, les Mongols étant devenus les dominateurs des Huns, leur physionomie eut tout le prix qui s’attache aux distinctions aristocratiques ; ce fut à qui s’en rapprocherait ; on tint à honneur de se déformer pour sembler de la race des maîtres. Voilà le motif probable de ces mutilations dont les historiens nous parlent avec détail.