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LE DERNIER RENDEZ-VOUS.

et, sans prendre garde aux paroles, semblaient deviner seulement dans le son de leur voix la cause réelle qui les faisait recourir à des subterfuges dont ils n’étaient point la dupe.

— À quoi pensez-vous ? demanda Olivier en voyant Marie qui se tenait immobile, les yeux fixés vers l’horizon où le soleil commençait à baisser.

— Vous ne m’auriez point fait une telle question autrefois quand j’étais auprès de vous.

— C’est qu’autrefois je n’aurais pas eu à vous la faire, Marie.

— Qu’y a-t-il donc de changé ? s’écria la jeune femme, ne sommes-nous donc pas ensemble ?

— Hélas ! qui le sait ? fit Olivier en mettant sa tête dans ses mains, qui le sait, Marie ?

— Ô mon ami, je vous en prie, ne soyez point aussi triste ; vous m’affligez. Est-ce pour cela que vous m’avez fait venir ? moi qui me faisais tant de joie de ce rendez-vous ! Depuis le soir où je vous ai rencontré, ce fut là mon unique pensée. D’où vient donc que je suis moins contente en vous voyant là, près de moi, que je ne l’étais hier, que je ne rétais ce matin en attendant l’heure qui devait nous réunir ? Est-ce qu’il n’en a pas été de même pour vous ? Vous me l’avez dit tout à l’heure. Avez-vous donc menti ? Pourquoi mentir ? Me cachez-vous quelque chose ? À quoi bon ? Moi-même ne vous ai-je pas tout dit de ma vie passée, plus que je ne voulais dire même ? Mais vous l’avez souhaité, et je vous ai obéi. Est-ce que vous en avez du regret ? Cela ne serait pas raisonnable, mon ami. On ne peut empêcher que le passé ait existé et qu’il nous ait faits ce que nous sommes. Vous avez souffert. Et moi donc ! s’écria-t-elle en se frappant la poitrine, tout mon cœur n’est qu’une plaie !

— N’en dites pas plus, s’écria Olivier, ce cri-là me dit tout.

— Que voulez-vous dire ? Je ne vous comprends pas.

— Maintenant, reprit Olivier, il est inutile de nous tromper nous-mêmes en voulant nous tromper l’un l’autre. Vous aviez raison tout à l’heure : on ne peut empêcher que le passé ait existé. Nous avons fait le même rêve ; partageons le même réveil, et remettez à votre doigt la bague que vous avez retirée tout à l’heure.

— Pourquoi me dites-vous cela, Olivier ?

— Remettez-la, vous dis-je ; elle aurait beau n’y être plus, je la verrais toujours.

— Voulez-vous que je la jette dans le creux de cette vallée ? fit Marie en tirant la bague de sa poche.

Olivier lui arrêta le bras.

— Ce serait un sacrifice inutile, un regret ajouté à d’autres regrets. Gardez-la, Marie ; ce n’est point sur ce morceau de métal qu’il est