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une véritable révolution en habits de fête. Personne au Quirinal ne s’y trompa et ne s’y put tromper. Le corps diplomatique effrayé avertit le saint père. « C’est toujours de la sorte, dit froidement M. Rossi, que les pouvoirs périssent et que les catastrophes s’annoncent. — Prenez garde ! dit un autre ambassadeur, prenez garde à ce chemin couvert de fleurs. » Le cardinal Gizzi ouvrit les yeux ; il voulut faire de l’autorité, mais il en fit comme en font les gens effrayés, sans adresse et sans prudence. Il fit afficher, le 22 juin, un édit défendant les rassemblemens populaires. Tout le monde lut son édit, personne ne crut qu’il aurait la force de le faire exécuter, et il n’y gagna que d’avoir aigri les esprits sans leur avoir imposé. À un mois de là, le 16 juillet, il en eut la preuve. Le 16 juillet était le jour anniversaire du décret d’amnistie. Les meneurs de l’enthousiasme populaire n’eurent garde de négliger une aussi belle occasion. Ils supposèrent, pour ce jour-là, une conspiration de rétrogrades, qui avaient juré, disaient-ils, de provoquer une rixe sanglante entre le peuple et les troupes. Ils chargèrent de ce complot le cardinal Lambruschini, l’ancien et peu populaire conseiller de Grégoire XVI, et le directeur de la police monsignor Grassellini. Le peuple se souleva : la direction de la police fut enlevée, le cardinal Lambruschini et ses soi-disant complices obligés de prendre la fuite, et sans le parti modéré, qui s’organisa de lui-même pendant l’émeute, sous la conduite de quelques-uns des plus considérables et des plus courageux de la noblesse, on ne sait à quels excès la population se serait portée.

Le cardinal Gizzi donna sa démission le soir même. Il abdiquait ainsi, devant la révolte, un pouvoir qu’il avait reçu au sein d’une popularité immense, dont il aurait pu faire, s’il avait été aussi expérimenté qu’il était bien intentionné, l’instrument du salut de son souverain et de son pays, mais dont il n’avait jamais connu ni les ressources ni l’usage.

Ce fut, comme nous l’avons dit, le cardinal Ferretti qui lui succéda. Il était dans son gouvernement de Pesaro, lorsqu’il apprit sa nomination au poste de premier secrétaire d’état ; il ne fut rendu à Rome que le 26 ; depuis dix jours déjà, son prédécesseur s’était retiré, et, durant ces dix jours, Rome avait été dans une anarchie à peu près complète cette anarchie durait encore et ne tendait qu’à s’envenimer et à s’étendre, quand il arriva.

Le cardinal Ferretti était, lui aussi, un saint prêtre, très dévoué à la religion et très porté aux réformes, où il voyait avec raison le salut de Pie IX et du pouvoir temporel des papes ; il était détesté des jésuites et par là cher aux libéraux ; enfin il était profondément attaché au saint père, dont il était même le parent éloigné du côté des femmes.

Si avec cela il eût été un politique de génie, la situation, si grave