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LE DERNIER RENDEZ-VOUS.

tuellement la joie qu’ils éprouvaient à entendre leur cœur battre au diapason de la même émotion.

— Eh bien ! Marie, fit Olivier le premier, nous devons avoir bien des choses à nous dire, et c’est probablement pour cela que nous ne savons par où commencer.

— Bien des choses en effet, répondit la jeune femme ; mais ne ferions-nous pas mieux d’en rester aux suppositions ?

— Non, dit Olivier, c’est là un terrain mobile, où l’on ne marche pas avec assez de sécurité : nous savons ce que nous avons été autrefois ; voyons ce que nous sommes maintenant, et apprenons-le de nous-mêmes.

— Et quand nous le saurons, demanda Marie, qu’en résultera-t-il ?

— Vous me le demandez, Marie, et votre main tremble dans la mienne.

Olivier prit la main de sa compagne et l’approcha de ses lèvres, mais celle-ci retira brusquement sa main en détournant la tête.

— Pourquoi ? fit le jeune homme.

— Pour cela, répondit faiblement Marie en retirant de sa main une bague en or sur le chaton de laquelle s’entrelaçaient deux chiffres ; et, dès qu’elle eut glissé le bijou dans sa poche, elle rendit sa main à Olivier, qui la garda dans la sienne, où il la pressa doucement.

— Vous n’êtes pas libre, lui dit-il presque à voix basse, cependant vous êtes veuve. Je l’ai appris il y a huit ou neuf ans.

— Je ne dépends que de ma volonté, répondit Marie.

Olivier se rapprocha d’elle, et, glissant son bras autour de sa taille, il indiqua de la main, sans la poser, l’endroit du cœur.

— Qui est là ? demanda-t-il à Marie.

Celle-ci rougit légèrement.

— Un mort, répondit-elle après une courte hésitation.

— Un mort… enterré, fit Olivier en riant.

— Non, dit Marie après une hésitation nouvelle.

— Dites-moi tout, je vous en prie.

— Pourquoi exiger cela, mon ami ? Si ces sortes de confidences ne vous paraissent point pénibles à entendre, elles sont toujours douloureuses à faire. Ne pouvez-vous deviner d’ailleurs ? Tantôt vous m’avez parlé d’une affection de plusieurs années que vous veniez de rompre récemment. Qu’il vous suffise de savoir que ma situation est la même.

— Et……, demanda Olivier avec vivacité, cette personne à qui vous faites allusion, elle vous a abandonnée ?

— Non pas elle, mais moi.

— Il y a long-temps ?

— Il y a six mois.