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endroit pour se reposer de l’ascension un peu rude qu’ils venaient d’accomplir.

— Nous tournerons par là, dit Olivier en indiquant de la main un petit sentier qui détournait brusquement, et tous deux y disparurent bientôt au bras l’un de l’autre.

Le lieu où ils s’arrêtèrent d’un commun accord paraissait préparé à loisir pour les confidences d’un tête-à-tête amoureux. Qu’on se figure au sommet d’une côte élevée une oasis agreste, d’où la vue s’étendait au loin sur les campagnes confusément voilées dans une vapeur lumineuse. C’était la solitude sans être le mystère, c’était le calme sans être le silence morne qui, durant les jours de l’été, semble planer sur les champs endormis à l’heure chaude où la nature s’immobilise elle-même dans la sieste. Au bruissement des premières feuilles qui commençaient à se détacher des branches, au mugissement sourd d’une fabrique dont on apercevait fumer le haut-fourneau à travers les éclaircies de feuillage, au sifflet aigu et prolongé des locomotives lancées sur le rail, se mêlait lointainement, comme une note champêtre au milieu des clameurs de l’homme, le murmure presque étouffé causé par les clochettes des vaches qui pâturaient le gazon brûlé dans le dormoir voisin. Rien de plus charmant que ces heures de déclin, où la rustique mélancolie des bois donne une grace nouvelle et comme une seconde jeunesse aux mourantes beautés de l’ardente saison. Les plantes, qui sentent la séve engourdie s’arrêter en elles, aromatisent de leurs plus subtils parfums la brise qui doit bientôt se faire aquilon. La brise caresse de son haleine la plus tiède les rameaux de l’arbre que l’aquilon doit ébranler bientôt. Les hirondelles, réunies dans un seul point du ciel, se rassemblent en vol circulaire, et s’appellent pour le pèlerinage d’Orient. Le lézard étale plus complaisamment son far niente frileux sur la pierre chauffée. Les oiseaux, sûrs d’un asile, voltigent plus gaiement autour de leur nid ouvert ; l’insecte se roule dans le pli d’une feuille où il va s’endormir pour ne se plus réveiller ; le grillon rêve un âtre pour abriter ses sérénades durant les nuits d’hiver. Mille présages mystérieux semblent avertir les choses et les êtres que le jour approche où le ciel sera noir, où la terre sera blanche, et les invitent à savourer la chaleur de ce beau soleil qui doit s’éteindre quand la dernière feuille sera jaune, quand la dernière grappe sera mûre.

En s’asseyant à côté l’un de l’autre, sur un tertre de gazon qui formait comme un divan naturel, l’attitude d’Olivier et de Marie n’indiquait aucun trouble intérieur ; on lisait dans leurs regards une impatience égale de se trouver bien seuls, mais on devinait aussi que leur intimité solitaire ne leur inspirait d’autre désir que de partager mu-