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Et elle ajouta plus tristement en froissant la chevelure dans ses mains : — On dirait qu’ils sont morts !

Je détournai vivement la tête pour lui cacher mon émotion. Pendant que j’avais le dos tourné, j’aperçus Marie dans la glace ; elle avait collé ses lèvres sur cette chevelure morte, comme elle disait, et sans doute y cherchait la trace de tes baisers. Je la quittai pour aller engager les bijoux. J’allai ensuite dans le voisinage choisir des vêtemens de jeune garçon qui pussent convenir à la taille de Marie, et je les lui portai sur-le-champ. Elle en parut satisfaite.

— D’ici à deux ou trois jours, fit-elle, je les mettrai pour faire ma première promenade.

— Vous sortirez seule ? lui demandai-je.

— Oui, seule, mais en voiture, me fut-il répondu sur un ton qui ne permettait pas l’insistance.

Le lendemain matin, Marie me fit demander par la concierge. Je la trouvai vêtue de ses habits d’homme, et, si je n’avais jamais été prévenu de son déguisement, il m’eût été impossible de la reconnaître, tant elle me paraissait changée.

— Il fait beau aujourd’hui, me dit-elle, je me sens un peu mieux, je vais sortir ; cette promenade me remettra tout-à-fait. Voulez-vous m’aller chercher une voiture ?

Comme elle était encore un peu faible, elle consentit à prendre mon bras pour descendre l’escalier ; mais elle ne voulut point me permettre de l’accompagner.

— Vous reviendrez ? lui demandai-je quand elle fut en voiture.

— Soyez sans inquiétude sur mon compte, me répondit-elle ; je reviendrai. Dites au cocher de me conduire au bois de Boulogne.

Sa promenade se prolongea assez tard ; quand elle revint, elle paraissait encore plus triste qu’au départ. Je crus même remarquer qu’elle avait pleuré.

— Il n’est venu personne me demander pendant mon absence ? fit-elle en me regardant.

— Une seule personne pouvait venir, lui répondis-je, et je ne l’ai point vue ; mais, si vous désirez voir Olivier, j’irai vous le chercher.

— Non, non, répondit Marie avec vivacité. Seulement j’ai changé d’idée : s’il venait, ramené par sa propre inspiration, vous lui diriez toujours que j’ai quitté cette maison ; mais vous lui donnerez à entendre que vous savez où je suis et que je pourrai peut-être le revoir quand il y aura moins de danger pour ma sûreté. Que voulez-vous ? ajouta-t-elle. S’il me croit tout-à-fait perdue pour lui, j’ai peur qu’il ne prenne trop facilement son parti de m’oublier.

— Ayez donc alors le courage de votre faiblesse, lui dis-je ; écrivez-