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Je ne dis pas que je n’aime plus Olivier, je mentirais ; seulement, à compter d’aujourd’hui, il n’est plus pour moi qu’un étranger, sinon par le souvenir. Je souffrirai beaucoup de son absence, je m’y attends bien, et lui-même peut-être, ayant trop compté sur ses forces, sera affligé de ne plus me voir, car je ne veux pas croire que ce soit seulement la raison et la prudence qui le retiennent loin de moi. Il est trop jeune pour avoir de la raison et pour savoir s’y soumettre. Il me répugne également de supposer que c’est une crainte puérile qui l’éloigne de moi, parce que je suis persécutée ; et, si douloureuse qu’elle soit, je préfère m’en tenir à l’idée qu’il est auprès d’une autre personne. Puisse-t-elle me faire oublier par lui ! Je ne l’espère pas, et cependant je le souhaite, car Olivier ne me reverra plus. Notre séparation est devenue une nécessité qu’il a créée lui-même. Tout à l’heure je vous donnerai une lettre qui vous sera adressée, et dans laquelle je vous annoncerai mon départ. Si Olivier revenait, vous la lui montrerez, et, s’il vous interroge, vous répondrez n’en pas savoir plus long. Surtout pas un mot qui puisse le mettre en voie de supposer quelque chose de tout ce qui a eu lieu. Et maintenant, acheva Marie, laissez-moi, j’ai besoin de solitude et de repos ; toutes ces émotions m’ont brisée.

Sur le point de la quitter, je la priai de vouloir bien me considérer à ses ordres, dans l’acception servile du mot. Je lui demandai en outre s’il ne lui était point désagréable que je revinsse habiter la chambre qu’elle venait de quitter.

— Je ne vous ai déjà causé que trop de dérangement, répondit-elle ; rentrez chez vous, cela est bien juste. D’ailleurs, si Olivier revient, il pourrait lui sembler étrange de ne pas vous trouver chez vous, puisque je n’y serai plus ; mais n’oubliez pas, Urbain, qu’en restant voisins nous demeurerons étrangers, inconnus : c’est à cette seule condition que je reste dans cette maison. Si j’avais besoin de vos services, je vous le ferai savoir par un petit mot que je glisserai sous votre porte… Adieu.

Les choses ainsi convenues et acceptées, je me retirai. Moi aussi, j’avais besoin de me remettre ; le reste du jour, je courus au grand air. Le soir, en revenant prendre possession de ma petite chambre, je trouvai, sous la porte, la lettre dont Marie avait parlé, je l’ouvris et la mis exprès en évidence pour te la montrer quand tu viendrais. Trois jours se passèrent, durant lesquels je n’aperçus point Marie, et ne reçus d’elle aucun avis. À mon grand étonnement, de toi non plus je n’entendais point parler. Le quatrième jour, comme je sortais de chez moi, la porte de la chambre de Marie s’ouvrit ; la portière de la maison parut sur le seuil et m’appela d’un signe : elle sortit comme j’entrais. Je trouvai Marie couchée ; elle paraissait très souffrante. — Vous êtes malade, et je l’ignore ? lui dis-je avec reproche.