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REVUE DES DEUX MONDES.

— Mais si votre mari vous fait suivre ?

— Je vous l’ai dit déjà, je ne crois pas qu’il y songe réellement.

Et, tout en parlant ainsi, elle réunissait en paquets les objets qu’elle avait apportés le jour où elle était venue habiter chez moi. Tous mes efforts pour la faire renoncer à son départ demeuraient inutiles. — Elle est là, me disais-je en la voyant se mouvoir devant moi, et tout à l’heure elle n’y sera plus ! — Ses préparatifs étaient terminés ; elle n’avait plus que son chapeau à mettre. Je la regardai en tremblant de tout mon corps le poser sur sa tête et se retourner vers un tesson de miroir pour en attacher les rubans. Ce fut l’affaire d’une seconde. Elle prit son paquet entre ses bras, jeta un regard autour d’elle, étouffa un soupir, fit un pas vers la porte et posa sa main sur la serrure. Je m’étais laissé tomber sur le lit, suivant tous ses mouvemens. Quand je la vis près de sortir, ma douleur ne put se contenir ; j’éclatai en sanglots en murmurant : — Marie, Marie ! et je tombai à ses genoux au milieu de la chambre. Son premier regard exprima la colère, comme si mon angoisse lui eût paru une insulte ; mais son visage s’adoucit, elle m’obligea à me relever, et, quand je fus debout devant elle, elle me dit avec sa voix des bons jours :

— Je vous ai promis d’oublier, monsieur Urbain, je tiendrai ma promesse ; mais vous m’autoriseriez à m’en dégager, si vous exigiez plus. Adieu !

Elle allait partir ; tout à coup nous entendîmes des pas dans l’escalier.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria Marie en se couvrant la figure de ses mains, si c’était Olivier !

— Eh bien ! répondis-je, n’a-t-il point l’habitude de nous voir ensemble ?

On frappa à la porte ; j’allai ouvrir : c’était un commissionnaire. Il apportait de ta part à Marie la lettre dans laquelle tu lui annonçais que son mari la faisait rechercher. Craignant d’être suivi toi-même, tu la prévenais en outre que tu suspendrais tes visites pendant quelques jours, et l’invitais impérieusement à redoubler de précautions. Tu terminais en la priant de se confier à moi entièrement. La lecture de cette lettre attrista Marie, moins à cause des mauvaises nouvelles qu’elle lui apportait qu’à cause de la froideur inquiète que l’on y remarquait. En annonçant à ta maîtresse que, par mesure de prudence, tu te condamnais à être séparé d’elle pendant quelque temps, tu n’avais pas su trouver un mot qui exprimât le regret que te pouvait causer cette séparation. Cette lettre n’était guère plus qu’un avis complaisant, et rien n’y parlait d’amour, sauf une formule banale tombée d’une plume pressée.

— Eh bien ! demandai-je à Marie, voyant qu’elle hésitait à prendre un parti, qu’allez-vous faire ?