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il laissa les finances comme il les avait trouvées, et la force publique plus impuissante qu’il ne l’avait reçue.

Ainsi, le 24 août, parut une circulaire aux gouverneurs des provinces, leur enjoignant d’avoir à inviter les corporations municipales, Les ecclésiastiques et les citoyens notables, à étudier et à proposer les meilleures manières d’améliorer l’éducation du peuple, et principalement l’instruction religieuse, morale et professionnelle des enfans des pauvres. Tel fut le premier acte du ministère du cardinal Gizzi. Il demandait solennellement aux peuples qu’il avait la mission de gouverner d’étudier et de lui faire savoir les moyens d’y parvenir ! Tout le reste de son administration est du même caractère. Il ne fait que nommer des commissions : commission pour réformer la procédure civile et criminelle, commission pour améliorer le système municipal, commission pour réprimer le vagabondage ; mais, avec tout cela, ni lui ni les commissions qu’il nomme ne réforment, n’améliorent ni ne répriment chose au monde. Le seul des projets de ce genre qui, s’il eût été résolûment et opportunément exécuté, aurait eu chance de produire des résultats sérieux, fut le projet de convoquer des délégués des provinces pour venir aider le ministère dans sa laborieuse besogne. Ces délégués, choisis par le pape sur des listes de présentation dressées dans chaque province par les cardinaux, légats et délégats, devaient, formant une sorte de conseil ou plutôt de commission consultative d’état, apporter au gouvernement, avec les vœux des populations, la connaissance exacte du degré de légitimité de ces vœux et de l’urgence comparée d’y satisfaire. C’était là une idée saine, et qui pouvait devenir féconde, car tout gouvernement, et un gouvernement réformateur plus encore qu’aucun autre, doit tendre à rallier autour de lui, pour les employer à son œuvre, toutes les forces vives de l’état ; mais est-il pour cela dispensé de gouverner ? Bien au contraire. Malheureusement, si le cardinal Gizzi consultait tout le monde, il ne gouvernait personne. Il gouvernait si peu, et sa main était si visiblement débile, que le parti modéré, ne se sentant ni conduit ni soutenu, d’abord hésita devant l’impatience croissante des masses, et bientôt se laissa déborder par elles.

Le peuple italien, comme on sait, est le peuple le plus démonstratif de la terre. Il ne croirait jamais rien fait, s’il ne se répandait à tout propos et hors de propos en cris de joie, en chants, en danses, en fêtes, et illuminations, en manifestations, et le reste. Ces mœurs, communes à toute l’Italie, quoiqu’un peu plus retenues dans le nord, sont extrêmement lâchées dans le centre et dans le midi. À Rome surtout, à Rome, ville de monumens et de pompes s’il en fut, il faut à tout prix au peuple de magnifiques représentations extérieures. La foule, depuis l’avènement de Pie IX, avait pris l’habitude de grandes processions