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LE
DERNIER RENDEZ-VOUS.


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Vers le milieu de l’automne, par un de ces temps pacifiques du mois de septembre où le ciel brille d’une sérénité particulière aux derniers beaux jours de l’année, un jeune homme qui paraissait avoir trente ans quittait, à la station de Sèvres, le convoi du chemin de fer se dirigeant sur Versailles, et prenait la route qui mène à Ville-d’Avray. Il était accompagné d’une femme dont la demi-toilette du matin indiquait une personne habituée aux élégances de la vie parisienne. À peine étaient-ils sortis du débarcadère et avaient-ils fait quelques pas sur la route, — la femme releva vivement le voile qu’elle avait tenu baissé pendant le trajet du chemin de fer. Avec, un mouvement de vivacité qui semblait trahir un sentiment de curiosité long-temps contenue, son compagnon se pencha vers elle, et pendant un instant la regarda sans rien dire ; mais cependant que de paroles dans ce rapide regard, et quelles paroles ! En se voyant examinée ainsi et d’aussi près, la femme ne put s’empêcher de tressaillir ; une nuance d’inquiétude parut et disparut sur son visage, où un gai sourire effaça bientôt toute trace de l’émotion passagère qu’elle n’avait pu contenir. Elle paraissait avoir le même âge que son cavalier, un an ou deux de moins peut-être ; elle n’était ni belle ni même jolie, mais ses traits irréguliers étaient pleins de sympathie, mais ses yeux couleur de la mer, et d’où jaillissait un éclat à la fois pur et tendre, répandaient sur sa figure un charme vague, rempli d’une séduction indéfinissable ; elle semblait enfin appartenir à une certaine nature de femmes dont la fréquentation peut ne pas inspirer de fantaisie, mais pour lesquelles on n’éprouve jamais moins qu’une passion profonde. Deux ou trois rides imperceptibles traver-