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M. Moreau Christophe prend loyalement son parti dans cette alternative, et ses conclusions ne sont pas assurément la portion la moins importante de son livre. Il propose avec résolution la suppression immédiate de tous les hospices, des dépôts de mendicité, et généralement de tous « ces petits et grands Versailles de la misère, dont la promiscuité conventuelle et monumentale a porté et porte encore de si profondes atteintes à la moralité, à la santé et à la fortune, publiques. » À tout cela il substitue une seule chose, le secours à domicile, cette perfection de la charité chrétienne qui fait respirer au riche la sainte odeur de la misère, secours qui proportionne le remède au mal, se donne, s’augmente, se diminue ou se retranche selon les circonstances variables et infinies du besoin, mode salutaire qui seul, discret dans ses dons, prend conseil de la honte autant que de la pauvreté, qui soulage l’indigent sans l’enlever à sa famille, et vient en aide à la famille sans jamais la remplacer. Une seule institution lui paraît digne de manier cet admirable instrument de charité avec toute la foi, tout le dévouement et toute l’abnégation qu’il comporte c’est l’institution des diaconies, sortie aux siècles apostoliques des entrailles de l’église naissante. M. Moreau Christophe présente dans ses plus minutieux détails un plan de réorganisation de cette institution pieuse, qui suffirait, selon lui, pour pourvoir à tous les besoins, pour soulager toutes les souffrances dans toutes les conditions et à tous les âges de la vie du malade et de l’indigent. Il estime que les diaconies remplaceraient à la fois, au grand avantage des pauvres et au grand profit du budget de l’assistance publique, les bureaux de bienfaisance, les hospices pour les infirmes et même les hôpitaux pour les malades. Il croit qu’elles exerceraient bien plus efficacement que les commissions administratives la direction, la tutelle, la surveillance et l’inspection des enfans trouvés, et qu’elles appliqueraient utilement à la France les diverses institutions de charité individuelle qui fonctionnent avec tant d’avantage en Italie, en Suisse, en Belgique et en Hollande. Ce sont là des vues hardies qui provoquent la controverse et appellent les plus sérieuses méditations. Puissions-nous profiter de la suspension introduite par les événemens dans le cours de la vie politique du pays pour creuser plus profondément ces questions qui touchent de si près au bien-être des hommes, et dans l’étude desquelles on peut toujours s’enfoncer sans craindre de poursuivre des ombres et d’aboutir à des tristesses et à des déceptions !


LOUIS DE CARNE.