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au XIXe, le problème de la misère se trouverait résolu autant qu’il peut l’être en ce monde.

La réformation vint changer radicalement la condition des pauvres au sein de la chrétienté. La confiscation du patrimoine de l’église, qui représentait, dans la plupart des états, le tiers au moins du sol cultivable, rendit caduque cette dette dont l’acquittement équivalait pour les classes indigentes à une participation directe et effective à la propriété territoriale. Des mains de l’église, qui ne les possédait que sous l’obligation de conscience d’en disposer, ces immenses richesses passèrent dans celles du pouvoir politique, qui ne s’inquiéta plus de leur destination spéciale, et le budget sacré du prolétariat fut confisqué par des gouvernemens sans foi et des aristocraties sans entrailles. On sait quelle perturbation profonde ces changemens provoquèrent dans la plupart des états réformés durant la dernière moitié du XVIe siècle. La suppression des ordres religieux et des couvens, la substitution d’un clergé marié à un clergé célibataire ayant privé les pauvres de leurs asiles, de leur pain quotidien et des secours de toute nature auxquels ils avaient un droit jusqu’alors pleinement reconnu dans toute la chrétienté, — des flots d’indigens, de vagabonds et de moines spoliés inondèrent l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, tout le nord de l’Europe, et mirent en grand péril l’ordre public. On tenta d’abord d’arrêter le mal en portant des peines atroces contre la mendicité et le vagabondage ; mais on fut bientôt contraint de l’attaquer dans sa source même par un vaste système de charité obligatoire en faveur des classes déshéritées par la révolution religieuse. De là cette taxe des pauvres, devenue la base de la législation économique non-seulement en Angleterre, mais encore dans tous les états protestans de l’Allemagne aussi bien qu’en Suisse, en Suède, en Danemark et en Norvège. Si, lorsqu’il s’agit de cette institution, la pensée ne se reporte guère que sur la Grande-Bretagne et sur le statut fameux de la quarante-troisième année d’Élisabeth, c’est qu’en Angleterre la taxe dut se développer dans des proportions tout autres que dans le reste de l’Europe, en raison même de la situation particulière de cette contrée où les sept dixièmes du sol étaient, avant la réforme, la propriété du clergé catholique, des monastères et des établissemens charitables. L’histoire de l’assistance légale dans les divers états européens, esquissée par MM. de Villeneuve et de Gérando, est présentée par M. Moreau Christophe avec des développemens poursuivis jusqu’à ce jour. Il expose les progrès de la taxe des pauvres en Angleterre, où elle s’était élevée, vers 1832, jusqu’au chiffre de 200 millions de francs, monstrueux impôt prélevé sur quatorze millions d’hommes, de telle sorte que, dans certains comtés, ceux qui recevaient la taxe devenaient plus riches que ceux qui la payaient ; puis il décrit la réaction provoquée