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le transport des denrées d’une difficulté et d’une cherté extrêmes ; les impôts cependant aussi multipliés et aussi lourds que si les ressources naturelles et artificielles de l’état avaient été merveilleusement aménagées, et avec cela mal répartis, écrasant le sol, et dans plusieurs provinces aussi odieux pour leur nature et leur mode de perception que pour leur poids. La comptabilité était bouleversée ou plutôt n’existait plus. L’administration française, sous Napoléon, en passant dans les États Romains, y avait, comme dans tous les pays où elle s’était momentanément assise, rétabli les finances. Quand pie VII était rentré à Rome, il avait trouvé les recettes de ses états supérieures aux dépenses de leur gouvernement. L’équilibre s’était à peu près maintenu jusqu’aux dernières années du règne de Léon XII ; mais sous Pie VIII, et enfin sous le pontife qui venait de mourir, non-seulement la dette s’était accrue et les dépenses avaient annuellement dépassé les recettes, mais il n’y avait pour ainsi dire plus trace à Rome d’administration financière. Le gouvernement pontifical, non-seulement ne rendait aucun compte au public des opérations de son budget, mais il avait fini par ne plus s’en rendre compte à lui-même. Les exercices empiétaient l’un sur l’autre : on ignorait les dépenses de l’année passée et les recettes de l’année courante. Le gouvernement de Grégoire XVI était tombé, en matière de finances, au niveau de celui des états ottomans sous son contemporain Sultan-Mahmoud, et toute sa science économique consistait à avoir un sac où d’une main il versait ses revenus, et où de l’autre il puisait pour ses dépenses. La dette publique était montée à 38,000,000 d’écus (plus de 200,000,000 de francs), le déficit annuel à un demi-million environ (2,500,000 francs). L’armée, dont l’entretien était fort coûteux, inspirait peu de confiance et rendait peu de services. Les troupes romaines étaient peu nombreuses, indisciplinées, mal payées et peu sûres ; les régimens suisses, excellens, mais haïs des troupes nationales et de la population. Même désordre dans la justice et la police. Point de codes : inégalité des sujets pontificaux devant la loi ; exemptions et privilèges sans nombre pour la prélature et la noblesse ; l’administration de la justice lente, douteuse et dispendieuse ; au criminel, des commissions militaires permanentes. La police, qui ne se lassait pas de persécuter les libéraux, était impuissante à garantir la sécurité publique : non-seulement les campagnes, mais les villes elles-mêmes étaient infestées de bandits. Ajoutez à cela le triste état civil de l’immense majorité de la population. Peu ou point d’instruction pour les enfans ; point de carrière pour les jeunes gens : les armes ? l’usage des mercenaires les avait rendues odieuses ; la diplomatie, la politique, l’administration, la magistrature ? tout était réservé aux seuls ecclésiastiques. Ajoutez encore des milliers de suspects et publiquement notés comme tels à qui les fonctions de l’administration subalterne et