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premier reconnu les ruines illustres de Masada. Je n’adresserai qu’un reproche au révérend missionnaire américain, c’est de s’être amusé à faire rouler jusqu’au bas du rocher plusieurs pierres arrachées aux ruines de la forteresse. L’expédition américaine qui a suivi à Masada celle de MM. Wolcott et Tipping s’est donné le même plaisir. Il est heureux, en vérité, que les voyageurs soient rares à Masada, car, si, tous avaient la même fantaisie, il finirait par ne plus y avoir de ruines de la forteresse juive qu’à douze cents pieds plus bas.

Le samedi 29 avril 1848, au point du jour, M. le capitaine Lynch, commandant de l’expédition américaine, fit partir d’ Ayn-Djedy, où il était campé, MM. Dale, Anderson et Bedlow, avec un drogman, un soldat turc et des guides arabes, pour aller visiter les ruines de Sebbeh. Au coucher du soleil, les explorateurs rentrèrent au camp, et c’est en se servant de leurs différens rapports que M. Lynch a publié le récit de leur course à Masada[1]. Comme il s’agit d’une localité des plus intéressantes, et sur l’état de laquelle on ne peut rassembler trop de lumières, j’ai pensé devoir reproduire ici ce récit, dont, à quelques détails près, il faut louer l’exactitude.

Un peu après huit heures, dit M. Lynch, MM. Dale, Anderson et Bedlow arrivèrent à l’Ouady-Sebbeh, et découvrirent une route clairement marquée, de quinze pieds de large, et indiquée par deux rangées parallèles de pierres, qui continuèrent avec des interruptions pendant un quart de lieue[2]. À neuf heures, quand la chaleur du soleil commençait à devenir étouffante, ils atteignirent une caverne basse dans la face sud de la montagne, au-dessus de l’Ouady-Seyâl, profonde ravine qui sépare le rocher de la chaîne continue du nord. Là ils mirent pied à terre, car il était impossible d’aller plus loin à cheval. De là, quelquefois sur leurs mains et leurs genoux, ils grimpèrent le long du rocher à pic, dont le côté perpendiculaire est percé d’ouvertures comme le roc de Gibraltar. Ils étaient enclins à croire que le sentier par lequel ils étaient montés était celui que Josèphe appelle la Couleuvre… Ils passèrent le ravin sur un espace calcaire qui, bien que considérablement au-dessous du plus haut point du rocher, réunit l’escarpement sud de Seyâl à l’escarpement nord de Masada, et ils atteignirent

  1. La relation complète du voyage de M. Lynch forme deux volumes qui ont paru à Philadelphie en 1850 sous ce titre : Expedition to the Dead Sea and the Jordan.
  2. Je n’ai point aperçu cette route bordée de pierres, parce que nous n’avons pas suivi le même chemin. En effet, les officiers américains, puisqu’ils ont cheminé sur le flanc de la montagne depuis l’Ouady-Seyâl, qui est à plus d’une lieue du roc de Sebbeh, ont marché du nord au sud vers Masada. La route qu’ils ont prise est-elle la Couleuvre de Josèphe ? est-ce celle que j’ai gravie ? Je laisse à d’autres le soin de le décider. Ce qui me parait probable, c’est qu’ils ont fini par rejoindre notre sentier de chèvres, vu qu’il n’y en a pas d’autre pour aller de la mer Morte à Masada.