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Sylva, placé sur ce point même et sur les débris de la ville basse où demeura Simon, fils de Gioras, nous cachaient les ruines de cette tour, construite sans doute beaucoup plus bas, et le tracé de ce chemin, que nous ne songeâmes pas à aller reconnaître. Les restes qui couvrent le plateau supérieur étaient les seuls auxquels nous pensions en ce moment, les seuls que nous croyions dignes d’intérêt. En faisant face à l’est, nous avions le rocher à pic de Masada, rocher de deux cents pieds de haut, dans le flanc escarpé duquel paraissaient quelques rares ouvertures, semblables à celles des nécropoles, placées à une cinquantaine de pieds au-dessous du sommet, et sans aucune anfractuosité qui permît d’y parvenir. Il était bien certain pour nous qu’on n’y pouvait avoir accès que par quelque conduit souterrain ouvert dans l’intérieur de la forteresse. C’était maintenant celle-ci qu’il s’agissait d’atteindre, et nous comprîmes d’un regard que la partie la plus périlleuse de notre ascension allait commencer.

Une crête étroite comme la lame d’un couteau domine une jetée factice, formée de terre blanche très meuble, qui joint Leukè au flanc du rocher de Masada. C’est là tout ce qui reste de la jetée de Sylva. La plate-forme qui la couronnait s’est écroulée, par l’action des pluies et du temps, sur le terrain peu solide qui lui servait de base. Toutes les pierres ont roulé dans les précipices béans à droite et à gauche, et il n’est plus resté d’autre chemin que cette crête dangereuse que nous avions devant nous, et qu’il nous fallait suivre comme des danseurs de corde sans balancier. Nos trois Arabes passent d’abord, moi ensuite, puis tous nos amis ; en quelques instans, nous avons franchi l’abîme, et nous voilà cramponnés au flanc du roc de Masada. Ici recommence une escalade infernale, et à cinquante pieds plus haut nous atteignons le reste d’une rampe sur laquelle nous pouvons reprendre haleine. Cette rampe est maintenue du côté du précipice par les débris d’un mur de soutènement bâti en belles pierres de taille. Ce mur et la rampe n’ont que quelques mètres de longueur ; ensuite l’escalade recommence, tout aussi difficile qu’avant.

Enfin nous touchons au sommet, et un tronçon de chemin, encaissé entre le précipice et un reste de mur bâti en pierres de taille, aboutit à une porte bien conservée, de bel appareil et à voûte en ogive. Voilà du coup l’ogive reportée à l’époque d’Hérode-le-Grand, ou tout ou moins de Titus et de la destruction de Masada. Sur les pierres de taille de cette porte ont été écorchés avec une pointe, à une époque indéterminée, des croix, des signes semblables au symbole de la planète Vénus, et des lettres grecques telles que des Δ et des T. Sont-ce des signes d’appareilleur ? J’en doute à cause de l’apparence peu ancienne de ces signes grossiers, dont la couleur assez claire tranche sur le fond de la pierre, qui est d’une teinte beaucoup plus foncée. Ces signes,