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de la mer Morte, et prit rang dans notre petite armée. L’effectif de celle-ci avait diminué sensiblement : mon fils, trop jeune encore pour supporter les fatigues et les privations d’un semblable voyage, avait contracté en Grèce une fièvre intermittente si violente, que je me vis forcé de le renvoyer en France. Le jour même où je quittais Jérusalem pour commencer mon exploration du bassin de la mer Morte, mon fils partit, de son côté, pour Beyrouth avec M. l’abbé Miction, qui aima mieux se priver de la partie la plus curieuse de tout notre voyage que de laisser un jeune homme malade courir les routes de Syrie en compagnie d’un drogman inutile et de quelques muletiers sans dévouement. M. l’abbé Michon me donnait.en cette circonstance une preuve d’amitié pour laquelle je suis heureux de lui témoigner ici ma reconnaissance.

Avant de nous mettre en route, il avait fallu requérir la protection de Hamdan, scheikh des Tâàmera, dont nous allions traverser le territoire. Hamdan nous fournit seize hommes d’escorte, lui compris, et nous conduisit jusqu’à Ayn-Djedy[1] ; là, nous dûmes nous mettre sous la protection de Dhaif-Oullah-Abou-Daouk, scheikh des Djahalin, et nous adjoindre par conséquent un large surcroît de cavaliers et de fantassins d’escorte. À Jérusalem, nous avions pris à nos gages un drogman, nommé Matteo, très capable de faire la seule cuisine possible dans le désert, et parmi les Tâàmera qui nous accompagnaient se trouvait un brave garçon, nommé Ahouad, propre neveu du scheikh Hamdan et le plus fidèle comme le plus attentif de nos Arabes. Telle était l’escorte avec laquelle nous arrivâmes au pied de la montagne de Sebbeh et des rochers où s’élèvent les ruines de Masada.

Le 11 janvier 1851, avant le jour, nous étions tous sur pied. La course de Masada, à en juger par la hauteur que nous avions à escalader, promettait d’être rude : il était donc sage de partir avant que le soleil fût tant soit peu haut dans le ciel. Nous pressâmes le drogman Matteo, et après avoir, comme d’ordinaire, pris un potage où il ne manquait guère que du bouillon, après avoir savouré une tasse de café, un tchibouk et une goutte de raki, nous nous mîmes en route. Notre fidèle Ahouad et deux Djahalin à moitié nus nous servaient seuls de guides et d’escorte ; aussi avions-nous bourré nos poches et nos ceintures de pistolets bien chargés, et dont nous avions vérifié préalablement les capsules. Nous commençâmes ainsi bravement l’affreuse escalade qui devait nous conduire au curieux plateau que nous avions tant à cœur d’explorer. Je n’essaierai pas de décrire, après Josèphe, le chemin incroyable que nous suivîmes pour arriver à Masada ; j’aime bien mieux copier textuellement ce qu’en a dit l’historien des Juifs. Qu’était-ce que

  1. L’Engaddi de l’Écriture sainte.