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plus superficielles que réelles. Un trait également commun aux uns et aux autres au milieu de la rude élaboration à laquelle ils sont en proie, c’est la manie des imitations européennes. Dans la partie septentrionale du continent sud-américain, il y a aujourd’hui une de ces jeunes républiques, la Nouvelle-Grenade, qui, le croirait-on ? est pleinement socialiste, et ce n’est pas un parti seulement qui se pique de socialisme : c’est le gouvernement lui-même, à la tête duquel est le général Hilario Lopez, président depuis le 7 mars 1849. Voilà un des effets à distance de la révolution de 1848 ; elle a duré plus long-temps en Amérique qu’en Europe. Tout ce que le socialisme européen imagine, le gouvernement néo-grenadin s’applique à le réaliser par ses actes. Il est le héraut de la vérité démocratique. Une tentative d’insurrection a eu lieu récemment dans le sud de la Nouvelle-Grenade ; elle a été comprimée, et l’administration actuelle s’occupe de préparer par tous les moyens, pour 1852, l’élection à la présidence d’un candidat appelé à achever la réalisation de la vraie démocratie. C’est le général Obando, autrefois accusé de complicité dans l’assassinat du général Sucre, qui est choisi pour ce rôle, et il n’est point impossible qu’il ne soit élu.

L’histoire du socialisme américain vaut bien la peine d’être faite à part, d’autant plus que ce n’est pas seulement dans la Nouvelle-Grenade qu’on peut l’observer. On l’a vu également faire irruption à l’autre extrémité de l’Amérique, au Chili ; il est vrai qu’il y a été jusqu’ici complètement tenu en échec. Une première fois, en 1848, sous le coup des nouvelles d’Europe, il s’était organisé à Santiago et dans les principales villes de la république tout un ensemble de clubs, de sociétés secrètes, de manifestations patriotiques et de soulèvemens que le président d’alors, le général Bulnes, dispersa en un moment d’une main vigoureuse. En 1851, au mois d’août, le terme des pouvoirs du général Bulnes étant arrivé, une nouvelle élection présidentielle avait lieu et amenait au pouvoir un des hommes les plus considérables du Chili, le plus éminent des conservateurs de ce pays, M. Manuel Montt. L’ancien parti révolutionnaire chilien, qui, pour se rajeunir sans doute, a arboré depuis. 1848 les couleurs socialistes, a cru probablement l’heure propice, et il a fait explosion aux deux extrémités du pays, dans les provinces de Coquimbo et de Concepcion ; le chef de cette insurrection paraît être un général mécontent qui est allé lever son drapeau dans le sud, le général Cruz. D’après les dernières nouvelles, un mouvement aurait éclaté même dans la ville la plus commerçante du Chili, à Valparaiso ; mais le gouvernement paraît déjà s’être rendu maître de ces insurrections. C’est l’ancien président lui-même, le général Bulnes, qui est allé réduire les insurgés du sud. Si loin qu’il soit de nous, nous souhaitons bonne chance à ce pays, qui a dû une prospérité réelle à vingt ans de bonne conduite et de pratique sincère d’une politique conservatrice. Pour donner la mesure du mouvement du Chili, nous n’aurons qu’à dire que dans les six premiers mois de 1851 son commerce d’importation et d’exportation s’élevait déjà à près de 60 millions de francs. C’est bien quelque chose pour un pays d’hier. Des émigrations allemandes sont venues s’établir sur certains points du territoire qui leur ont été concédés. Des chemins de fer commencent déjà à être construits. L’exploitation des mines de cuivre et d’or ou d’argent prend chaque jour plus d’extension. Le nouveau président, M. Montt, est le légitime héritier de la politique qui a amené ces résultats. Il serait certainement regrettable que cette politique, qui a