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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 janvier 1852.

La société française a subi depuis soixante ans de rudes et fréquens ébranlemens. Si ces crises avaient simplement un caractère politique et n’étaient que l’échange dix fois répété de formes de gouvernement, cela n’expliquerait pas, suffisamment du moins, l’anxiété et les angoisses qui s’emparent des ames en certaines heures. Ce qui rend si vif, si poignant l’instinct du péril et en redouble chaque fois la puissance à mesure que les épreuves se succèdent, c’est que la société tout entière se sent atteinte dans son principe même, dans son essence, dans ses bases morales, dans les élémens constitutifs de son existence. La véritable maladie de notre temps en un mot, ce n’est point une maladie politique ; c’est une maladie morale et intellectuelle. C’est une illusion de rendre uniquement les institutions et les pouvoirs que nous nous créons responsables de nos échecs, de nos déceptions et de nos malheurs. La vérité est que nos institutions sont ce que nous les faisons, et que la source réelle du mal est en nous-mêmes, ou, en d’autres termes, dans l’homme tel que l’a fait l’esprit révolutionnaire, en altérant en lui la notion religieuse du devoir et le sentiment du respect, en éveillant dans son ame l’ardeur des convoitises grossières et des révoltes permanentes, en faisant de son intelligence une puissance trop souvent destructive. Voilà pourquoi, ce nous semble, il y a aujourd’hui pour tous les hommes sincères une obligation, moins encore politique que morale, — et qui consiste à raviver les notions à demi éteintes, à rendre leur lustre aux vérités bafouées, à réchauffer cet instinct du devoir qui est la condition première d’une liberté sage et bienfaisante, — à ramener l’intelligence à sa vraie loi, qui est de défendre l’ordre social, non de le travestir et de le pousser à la ruine par la dégradation. De récentes lumières nous ont laissé voir à d’incalculables profondeurs ; elles nous ont montré ce que c’était que cette maladie dont nous parlions et quelle affreuse végétation de passions et de vices elle pouvait engendrer à la surface du corps social. Mieux que tout le reste, ces subites et sinistres révélations expliquent le sens du vote du 20 décembre. C’est au gouvernement nouveau de puiser dans un tel concours de suffrages les inspirations d’une po-