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Le spectre du glacier, dans sa pourpre pâlie,
Derrière lui s’était dressé.
Les chansons et les pleurs et la belle Italie
Devenaient déjà le passé.

Un aigle noir, planant sur la sombre verdure
Et regardant au loin, tout chargé de souci,
Semblait dire au désert : Quelle est la créature
Qui vient ici ?

Byron, dans sa tristesse altière,
Disait un jour, passant par ce pays :
« Quand je vois aux sapins cet air de cimetière,
Cela ressemble à mes amis. »

Ils sont pourtant beaux, ces pins foudroyés,
Byron, dans ce désert immense !
Quand leurs rameaux morts craquaient sous tes pieds,
Ton cœur entendait leur silence.

Peut-être en savent-ils autant et plus que nous,
Ces vieux êtres muets attachés à la terre,
Qui, sur le sein fécond de la commune mère,
Dorment dans un repos si superbe et si doux.


ALFRED DE MUSSET.