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et déterminé. Bien que tous ces cartons s’ordonnent et s’enchaînent suivant des lois rigoureuses, bien qu’ils gagnent singulièrement à garder la place que l’auteur leur assigne, il faut bien reconnaître cependant que le mérite de ces cartons ne dépend pas de l’ordre dans lequel ils sont disposés. Chaque pensée choisie par M. Chenavard s’explique clairement ; le regard saisit en peu d’instans le sujet qu’il a voulu traiter : il n’est pas permis d’hésiter. Si, par présomption out par étourderie, il eût suivi les traces des maîtres allemands, nous pourrions nous interroger long-temps avant de deviner son intention. Il s’en est tenu aux pratiques de l’école italienne, et sa pensée est toujours demeurée claire et facile à saisir.

La division de cette série était naturellement indiquée par la division même de l’histoire. Pour donner à cette division plus d’évidence encore, M. Chenavard a voulu séparer le monde oriental et grec du monde romain par la statue d’Alexandre, et le moyen-âge des temps modernes par la statue de Charlemagne. Que ce dessein s’accomplisse ou ne s’accomplisse pas, les compositions que nous avons à examiner, et que le public sans doute sera bientôt appelé à juger, garderont leur grandeur et leur nouveauté. M. Chenavard n’a pas perdu de vue un seul instant la destination primitive de son œuvre, et je crois que cette préoccupation constante, loin d’enchaîner son imagination, a peut-être donné à son essor plus de hardiesse. L’espérance d’inscrire sa pensée sur les murailles du Panthéon l’a soutenu depuis quatre ans dans cette difficile entreprise, et l’importance du monument qu’il devait décorer ne lui a pas permis de déserter un seul jour les régions idéales. C’est le privilège de la peinture monumentale ; aussi tous ceux qui ressentent pour les destinées de l’art une affection sincère doivent-ils recommander la peinture monumentale comme le moyen le plus puissant et le plus sûr de le rajeunir et de l’élever.

M. Chenavard, avec une hardiesse que je me plais à louer, a voulu, traiter à sa manière la catastrophe racontée par la Genèse, le déluge. Quelle que soit à cet égard l’opinion des géologues et des zoologistes, il a très bien fait d’accepter la tradition mosaïque. C’était en effet la façon la plus sûre de parler aux yeux de la foule. Les opinions de George Cuvier sur les révolutions du globe, excellentes en elles-mêmes ou du moins très plausibles sous le rapport scientifique, acceptées par l’Europe comme le dernier mot de la science, je veux dire de la science, faite aujourd’hui, n’ont rien à démêler avec le déluge tel qu’il nous est raconté par la Genèse. Il ne s’agit pas de savoir si Moïse est d’accord avec Cuvier, il s’agit de traduire sous une forme claire et pathétique une des plus grandes calamités qui nous aient été transmises par la Bible. Or il me semble que M. Chenavard a trouvé moyen de nous représenter cette effroyable calamité sous un aspect qui, sans être