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l’ange consolateur des souffrances issues de toi, et tu te feras accepter à la place des autres anges dont ta faute a éloigné les pas rayonnans des collines de la terre. Sois satisfaite. Dans toute ta destinée de femme, tu auras à supporter des peines particulières répondant à ton péché. Tu auras des douleurs à payer pour chaque être qui naîtra, des fatigues pour prendre soin de chaque vie naissante, souvent de la froideur à endurer de la part de ceux que tu auras entourés de tes soins, souvent la défiance de ceux à qui tu te seras dévouée, la trahison de ceux que tu auras trop loyalement aimés, de la faiblesse dans ton propre cœur, au dehors de la cruauté et le poids d’une tyrannie étrangère avec des muscles plus forts et des os plus solides pour droit héréditaire. — Mais, va, ton amour se chantera à lui-même ses propres béatitudes après sa tâche accomplie. Le baiser d’un enfant, posé sur tes lèvres soupirantes, te fera joyeuse ; un mendiant secouru par toi te fera riche ; un malade soigné par toi te fera forte ; tu seras servie toi-même par le sentiment de chaque service que tu auras rendu. — C’est là la couronne que je mets sur ta tête, — devant Christ qui me regarde et m’inspire. »

Encore une dernière citation parmi les morceaux dont le thème est fourni par la réflexion. Ceux où l’intelligence montre le mieux sa largeur sont trop longs. En voici un où l’on entrevoit au moins que l’esprit, chez Mme Browning, a autant de puissance que le sentiment pour transposer, décomposer et recomposer les réalités de ce monde.


LA NATURE ET L’HOMME.

Un homme attristé, un jour d’été, regardait la terre et disait : « Nuages pourprés qui vous enroulez en écharpe autour des sommets ; montagnes sinueuses où serpentent les vallées ; vallons sillonnés de frais ruisseaux ; ruisseaux tout bordés d’arbres ombreux ; arbres pleins d’oiseaux et de fleurs ; fleurs enveloppées de la gaze des rosées que vous secouez sur vos soeurs, les fleurs du gazon ; plantes qui constellez la terre de vos corolles ; terre joyeuse qu’agite la gaieté du joyeux Océan, avec sa brillante chevelure tout éparpillée sur son front de Titan ! pourquoi suis-je le seul qui puisse rester sombre à l’éclat du soleil ? »

Mais quand les jours d’été furent écoulés, il regarda le ciel, et il sourit enfin. Lui-même s’était répondu : « O nuages qui pesez comme un suaire sur le sommet des monts ; montagnes qui semblez vous affaisser, moribondes et obscurcies, sur les vallées ; vallons où gémissent les torrens ; torrens bourbeux où roulent des branches brisées : arbres ébranchés qui secouez la tête comme en délire au-dessus de vos débris, confondus maintenant à ceux des plus frêles végétations ; plantes flétries rudement couchées sur la terre, et toi, terre, qui cries de douleur sous le marteau de fer dont te bat l’Océan, — c’est parce que je suis également le seul qui puisse resplendir sans l’éclat du soleil. »

Dans la plus grande partie de ses morceaux, Mme Browning est aussi profondément anglaise. Sa poésie est celle d’une nature humaine qui a des yeux, pour contempler avec plaisir les beaux aspects du dehors, mais qui poursuit toujours quelque pensée tout en les contemplant, et