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« Et l’ombre de leurs sommets se balance sur les talus étroits des fosses — verdoyant à leurs pieds.

« Du côté du sud et de l’ouest, une petite rivière court à la hâte ; — tintez lentement.

« Et entre l’eau qui va coulant et les beaux arbres qui vont croissant, — gisent les morts dans leur repos. »

Je traduis encore l’épilogue de la même ballade. Il vient après l’histoire d’une châtelaine qui a refusé l’amour d’un puissant seigneur pour épouser celui qu’elle aimait, et qui avec lui se précipite à cheval du haut d’une tour, afin de ne pas tomber entre les mains de l’homme qui la déshonorerait.

« Les petits oiseaux gazouillaient à l’est, les petits oiseaux gazouillaient à l’ouest ; — tintez lentement. — Et je lus cette vieille histoire dans le cimetière au bruit des cloches, — qui tintaient lentement pour une ame en repos. — Les peupliers s’agitaient au soleil, et la rivière coulait polie ; — tintez lentement. — Et les vieilles rimes sonnaient étranges avec leur passion et leurs agitations, — ici où ù tout ce qui a été fait gît défait.

« Et sous l’ombre d’un saule j’aperçus une petite tombe, — tintez lentement, — où était gravé : Ci-gît, sans souillure, Marguerite, enfant de trois ans. — Mil huit cent quarante-trois.

« O esprits, me dis-je alors, vous qui chevauchâtes si vite ce jour-là, — tintez lentement, — pendant tout le voyage, les roues des astres et les ailes des anges — vous ont-ils rafraîchis de leur vent ?

« Quoique votre emportement, dans son élan aveugle, — tintez lentement, ait voulu se heurter au jugement de Dieu ; — quoique votre tête et votre cœur aient été téméraires.

« Maintenant votre volonté est dévoulue, maintenant les battemens de vos artères sont apaisés, — tintez lentement ; — maintenant vous reposez aussi humbles et résignés (où que vous gissiez) que Marguerite, l’enfant, — dont la fosse vient d’être recouverte.

« Cœurs fiévreux, tempes brûlantes, vous êtes patiens maintenant, — tintez lentement ; — et les enfans auraient sans crainte arraché sur vos tombes les boutons d’or, — avant qu’ils eussent en un mois pour pousser.

« Au printemps vous laissez chanter le chardonneret dans l’aune voisin tout près de vous, — tintez lentement ; — il peut bâtir son nid et y couver en paix ses trois semaines, — et vous ne murmurez de rien.

« Dans votre patience, vous êtes forts, vous ne vous emportez pas contre le froid ou les chaleurs ; — tintez lentement. — Quand la trompette de l’ange sonnera l’évangile de l’éternité, — le temps ne vous aura pas paru long.

« Oh ! les petits oiseaux, comme ils chantaient à l’est, comme ils chantaient à l’ouest ! — tintez lentement. — Et je murmurai à voix basse : Pour nous, la vie est entremêlée à la mort, — et qui sait laquelle vaut le mieux ?

Et les petits oiseaux chantaient à l’est, et les petits oiseaux chantaient à l’ouest ; — tintez lentement. — Et je souris à songer que la grandeur de Dieu coule autour de notre petitesse, — et son repos autour de nos agitations. »